Le Conseil de surveillance annule la décision de Meta dans un cas concernant la promotion de la kétamine pour les traitements non approuvés par la FDA

Le Conseil de surveillance a annulé la décision de Meta de ne pas prendre de mesures à l’encontre d’une publication Instagram dans laquelle un utilisateur parlait de son utilisation de la kétamine pour traiter l’anxiété et la dépression. Le Conseil estime que le contenu violait les politiques de contenu de marque de Meta qui s’appliquent aux contenus pour lesquels les créateurs reçoivent une compensation de la part d’un partenaire professionnel tiers (à l’inverse des services publicitaires dans le cadre desquels Meta reçoit une compensation en échange de la diffusion de publicités aux utilisateurs) et le standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints de l’entreprise. Ce cas laisse penser que Meta applique de manière incohérente ses sévères restrictions relatives aux contenus de marque promouvant des médicaments et visant à acheter, à vendre ou à échanger des substances médicamenteuses.

À propos du cas

Le 29 décembre 2022, un utilisateur Instagram vérifié a publié du contenu composé de 10 images et d’une légende. Un prestataire connu de soins thérapeutiques à base de kétamine était identifié comme coauteur de la publication qui portait la mention « Collaboration commerciale ». Conformément aux politiques de contenu de marque de Meta, les partenaires professionnels de Meta doivent ajouter de telles mentions à leurs contenus pour faire preuve de transparence au sujet de leurs relations commerciales avec un tiers.

Dans la légende, l’utilisateur affirme avoir reçu de la kétamine pour traiter son anxiété et sa dépression dans deux des cabinets du prestataire de soins thérapeutiques à base de kétamine aux États-Unis. Si l’utilisateur décrit la kétamine comme un médicament, la publication ne fournit aucune preuve qu’un diagnostic a été posé par un professionnel ni que le traitement s’est fait dans une clinique agréée ou sous supervision médicale. La publication qualifie le traitement dont a bénéficié l’utilisateur de « magical entry into another dimension » (entrée magique dans une autre dimension). Elle exprime également la croyance selon laquelle les « psychedelics » (psychédéliques), une catégorie de substances qui, comme l’implique la publication, inclut la kétamine, sont un type de médicaments émergents importants dans le domaine de la santé mentale. Dix dessins, dont certains comprennent des scènes psychédéliques, représentent l’expérience de l’utilisateur sous forme de scénarimage et indiquent que l’utilisateur a bénéficié de plusieurs « therapy sessions » (sessions de thérapie) contre « treatment-resistant depression and anxiety » (l’anxiété et la dépression résistant aux traitements). Le compte de l’auteur de l’expérience compte environ 200 000 abonnés et la publication a été vue à peu près 85 000 fois.

Trois utilisateurs ont signalé une ou plusieurs des images incluses dans la publication, et le contenu a été supprimé et restauré à trois reprises en vertu du standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints de Meta. Après que sa publication a été supprimée pour la troisième fois, le créateur du contenu s’est tourné vers Meta. Le contenu a ensuite été présenté à une équipe de spécialistes en la matière pour être réexaminé. Il a été restauré environ six mois après sa publication initiale. Meta a ensuite saisi le Conseil. Le statut du créateur du contenu de « partenaire géré » a permis la remontée de la publication au sein de Meta. Les « partenaires gérés » sont des entités de différents secteurs, y compris des individus tels que des célébrités et des organisations comme des entreprises ou des œuvres de charité. Ils bénéficient, à divers degrés, d’un soutien renforcé, et notamment d’un accès à un gestionnaire de partenaires attitré.

Principales observations

Comme nous l’expliquons de manière plus exhaustive ci-dessous, ce cas laisse penser que Meta applique de manière incohérente ses sévères restrictions relatives aux contenus de marque promouvant des médicaments et visant à acheter, à vendre ou à échanger des substances médicamenteuses et autres sur ses plateformes.

Puisque le contenu en question a été publié dans le cadre d’une collaboration commerciale, les Politiques de contenu de marque doivent être appliquées. Le Conseil s’inquiète de constater que Meta n’a pas mentionné cet élément lors de sa transmission ou de ses soumissions initiales du cas. En effet, le Conseil n’a appris que la publication était rémunérée qu’après avoir posé des questions à l’entreprise. Les politiques de contenu de marque de Meta stipulent que « certains biens, certains services et certaines marques ne peuvent pas faire l’objet d’une promotion via du contenu de marque », notamment les « drogues et produits connexes, y compris substances illégales et drogues récréatives ». Puisque le contenu en question était l’objet d’une « collaboration commerciale », qu’il promouvait clairement l’utilisation de la kétamine et qu’il n’était pas couvert par une exception, il enfreignait ces politiques. En réponse aux questions du Conseil, Meta a reconnu que les contenus avec la mention « Collaboration commerciale » n’étaient pas tous examinés pour savoir s’ils respectaient les politiques de contenu de marque, que les équipes de modération qui examinent les contenus à grande échelle ne voyaient pas cette mention et qu’elles ne pouvaient pas rediriger les contenus vers l’équipe spécialisée responsable de l’application des politiques de contenu de marque. Cela augmente considérablement le risque que ce type de contenus ne soient pas modérés suffisamment. Ainsi, le Conseil invite Meta à s’assurer d’examiner les contenus pour savoir s’ils respectent toutes les politiques pertinentes, y compris ses politiques de contenu de marque.

Le Conseil estime également que le contenu violait le standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints. Celui-ci autorise la promotion de « pharmaceutical drugs » (médicaments pharmaceutiques) définis comme des « médicaments qui nécessitent une ordonnance ou des professionnels de la santé pour être administrés », mais interdit de faire la promotion de « non-medical drugs » (substances non médicales) définies comme des « drogues ou substances qui ne sont pas utilisées à des fins médicales prévues ou qui sont utilisées pour atteindre un état d’euphorie ». Comme ce cas l’indique, certaines substances font néanmoins partie des deux catégories. Ce flou réglementaire pourrait être dissipé en mettant l’accent sur le rôle essentiel que les professionnels de la santé jouent dans la prescription et l’administration des médicaments. Comme nous l’avons indiqué dans le paragraphe précédent, le contenu rémunéré est soumis à des règles encore plus strictes. Puisque le contenu en question faisait clairement référence à l’utilisation d’une substance pour atteindre un état d’euphorie, mais ne mentionnait pas directement de diagnostic médical ni de professionnels de la santé (par exemple, « doctor » (docteur), « nurse » (infirmier), « psychiatrist » (psychiatre), le Conseil estime que l’auteur de la publication n’a pas suffisamment démontré que l’utilisation de la kétamine avait eu lieu s’était faite sous supervision médicale. Par conséquent, le contenu enfreint le standard de la communauté en question et doit être supprimé.

Le Conseil s’inquiète également d’une possible incohérence dans l’application des politiques de Meta relatives aux substances médicamenteuses. Une enquête récente du Wall Street Journal basée sur l’examen de publicités pendant quatre semaines à la fin de l’année 2022 a découvert « plus de 2100 publicités sur Facebook et Instagram qui décrivaient les avantages de médicaments sur ordonnance sans en citer les risques, qui faisaient la promotion de médicaments dans le cadre d’utilisations non approuvées ou qui contenaient des témoignages sans dévoiler s’ils venaient d’acteurs ou d’employés de l’entreprise ». Le Conseil a également reçu un commentaire public de l’Association nationale des conseils de pharmacie (NABP), qui fait remarquer que les infractions manifestes au standard de la communauté de Meta relatif aux biens et aux services restreints ne sont pas rares sur les plateformes de l’entreprise. Le NABP a indiqué qu’« une recherche superficielle de moins d’une minute » lui avait permis de trouver plusieurs publications sur la kétamine, où elle était clairement promue à des fins récréatives.

La décision du Conseil de surveillance

Le Conseil de surveillance annule la décision de Meta de ne pas prendre de mesures à l’égard de ce contenu et demande que la publication soit supprimée.

Le Conseil recommande à Meta de :

  • Clarifier la signification de la mention « Collaboration commerciale » là où cette mention est affichée, y compris au cours de l’examen des contenus de marque. Cela consiste notamment à expliquer le rôle des partenaires professionnels dans les processus d’approbation de contenu rémunéré ainsi que la mention « Collaboration commerciale ».
  • Clarifier le standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints pour préciser que le contenu qui « reconnaît ou promeut l’utilisation de substances pharmaceutiques » n’est autorisé lorsque cette utilisation peut entraîner un « état d’euphorie » que dans un « environnement médical supervisé ».
  • Améliorer ses procédures de révision pour s’assurer que le contenu créé dans le cadre d’une collaboration commerciale est examiné pour vérifier qu’il respecte toutes les politiques applicables (par exemple, les Standards de la communauté et les Politiques de contenu de marque). Meta doit veiller à ce que le contenu soit transmis à des systèmes automatisés ou à des équipes d’examen formées en conséquence et capables d’appliquer les Politiques de contenu de marque de Meta, le cas échéant.
  • Auditer l’application des règles établies dans ses politiques de contenu de marque et dans son standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints qui concernent la vente et/ou la promotion rémunérée de substances médicamenteuses ou autres. Meta doit ensuite combler toutes les lacunes de ses procédures de modération.

Pour en savoir plus

Pour lire l’intégralité de la décision, cliquez ici.

Pour lire un résumé des commentaires publics relatifs à ce cas, cliquez sur la pièce jointe ci-dessous.

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