La protection des enfants ne peut justifier de faire taire la lutte contre la corruption.
20 novembre 2025
Le Conseil de surveillance a confirmé la décision de Meta de laisser en ligne une publication Facebook contenant des allégations de corruption à l’encontre d’un homme politique philippin utilisant des images de lui et de ses enfants, dont plusieurs semblent être mineurs. Dans le cas présent, le Conseil estime que les propos tenus ne contenaient aucune menace directe ou voilée, mais qu’ils doivent plutôt être compris comme une promesse de dénoncer la corruption d’une personnalité publique. Le Conseil souligne que les droits et la sécurité des enfants doivent toujours être protégés. Cependant, les fonctionnaires ne devraient pas être autorisés à faire usage de ces protections pour échapper à toute surveillance. Le simple fait de mentionner des enfants dans des allégations de corruption ne suffit pas, en soi, à faire taire de telles accusations lorsque les enfants sont utilisés comme mandataires.
À propos du cas
En avril 2025, un utilisateur de Facebook a publié deux images sur la page d’un groupe Facebook. La première image montre Elizaldy Salcedo Co, un homme politique philippin, et sa famille, y compris ses enfants mineurs. La deuxième image montre un avion volant au-dessus de l’eau. La légende, en tagalog et en anglais, indique que les enfants possèdent un avion Gulfstream à leur nom et s’interroge sur la manière dont il a été acheté.
La légende comprend les phrases suivantes : « Au détriment de la sûreté et de la sécurité de ta famille. N’est-ce pas, Zaldy ? » et « C’est le prix à payer, Zaldy... ta famille. » La légende se termine par les mots en tagalog : « Hindi ka namin patahimikin. » Meta a traduit cette phrase par « Nous [te] traquerons ». Meta n’a pas interprété cette phrase comme une menace de violence, mais comme une tentative d’éradiquer la corruption. Le Conseil a consulté des experts linguistiques qui ont confirmé cette interprétation, estimant que cette phrase signifiait « Nous ne te laisserons pas tranquille ».
La publication a été partagée plus de 4 000 fois et visionnée plus de 1,7 million de fois. Deux classificateurs Meta différents, conçus pour détecter les contenus viraux susceptibles d’enfreindre la politique en matière de violence et d’incitation à la violence, ainsi que les contenus viraux pouvant nuire aux jeunes, l’ont identifiée. Ces rapports n’ont pas été considérés comme prioritaires pour un examen manuel et la publication est restée sur la plateforme.
Meta a examiné la publication après avoir reçu un signalement concernant son contenu de la part d’un contact à la Chambre des représentants des Philippines. Après avoir analysé la publication et consulté des experts locaux, la société a conclu qu’elle n’enfreignait pas les règles et l’a laissée sur la plateforme. Meta a soumis le cas au Conseil de surveillance.
Principaux constats
Le Conseil estime que les propos tenus dans la publication ne contiennent aucune menace de violence directe ou voilée, mais qu’ils doivent plutôt être compris comme une dénonciation et une promesse de dénoncer la corruption d’une personnalité publique.
Les problèmes impliquant des menaces potentielles pour la sécurité des enfants en ligne doivent être pris au sérieux et traités rapidement. Toutefois, dans le cas présent, le Conseil estime que les allégations de corruption visaient uniquement le politicien, et non les membres de sa famille.
Le contenu n’enfreignait pas la politique relative à l’intimidation et au harcèlement, qui interdit de porter des accusations de comportement illégal à l’encontre de mineurs privés, car la publication visait leur père. La publication n’enfreignait pas non plus les directives internes de Meta qui interdisent les accusations criminelles contre des adultes lorsqu’elles pourraient entraîner des préjudices hors ligne.
Le Conseil souligne que les gens devraient être libres d’exprimer leurs opinions politiques, y compris leurs critiques à l’égard des responsables politiques, sans craindre la censure. En vertu du droit international en matière de droits humains, ce type de discours est au cœur de l’expression politique protégée. Les dirigeants politiques et les fonctionnaires sont tenus de tolérer une surveillance plus minutieuse et davantage de critiques que les particuliers, compte tenu de leur rôle influent dans les affaires publiques.
La critique des fonctionnaires doit être évaluée dans son contexte social et linguistique afin de comprendre les risques qu’elle peut présenter, en particulier dans les environnements où la dénonciation de la corruption peut être restreinte ou dangereuse. Bien que les allégations de corruption puissent parfois être formulées dans le contexte d’attaques menaçantes, Meta devrait reconnaître que lorsqu’il n’y a pas de menace de violence, comme dans le cas présent, de telles demandes ne visent peut-être pas réellement à protéger les enfants, mais constituent plutôt une tentative de la part de personnalités influentes de se soustraire à leurs responsabilités. La réponse doit être nécessaire et proportionnée, en tenant compte du contexte et de la langue. Elle doit reconnaître l’intérêt public élevé pour la transparence, la responsabilité et la protection des dénonciations de corruption de fonctionnaires.
Le Conseil attire l’attention de Meta sur les recommandations issues de cas précédents, qui invitent Meta à publier ses directives internes afin que les utilisateurs puissent clairement comprendre ce qui est autorisé ou non. Meta devrait s’assurer de s’appuyer sur une expertise locale et contextuelle pour prendre des décisions difficiles concernant les contenus potentiellement dangereux, comme elle l’a fait dans le cas présent.
Décision du Conseil de surveillance
Le Conseil confirme la décision de Meta de laisser le contenu en ligne.
Le Conseil réitère également ses recommandations précédentes incitant Meta à améliorer l’application de ses règles sur la base d’une analyse contextuelle des propos potentiellement menaçants, émises dans les cas du Slogan de protestation en Iran, de l’Appel à manifester des femmes à Cuba et des Déclarations au sujet du Premier ministre japonais. Cela comprend la mise à jour des directives internes fournies aux modérateurs de contenu, le cas échéant, afin que la société remédie à tout manque de clarté, lacune ou incohérence.
Remarque : Suite à la décision du Conseil de surveillance, la page de publication a été désactivée pour avoir dépassé le seuil de sanctions pour des contenus sans rapport avec le cas présent.
Plus d’informations
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