Décision sur plusieurs affaires

Publications incluant « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer)

Lors de son examen de trois cas impliquant trois éléments de contenu Facebook différents contenant l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer), le Conseil a estimé que ces éléments n’enfreignaient pas les règles de Meta en matière de discours haineux, de violence et d’incitation et d’organismes et d’individus dangereux.

3 cas inclus dans ce lot

Confirmé

FB-TDOKI4L8

Cas relatif aux sur Facebook

Plate-forme
Facebook
Sujet
Liberté d’expression,Manifestations,Guerre et conflits
Emplacement
Canada,Israël,Territoires palestiniens
Date
Publié le 4 septembre 2024
Confirmé

FB-0H634H19

Cas relatif aux sur Facebook

Plate-forme
Facebook
Sujet
Liberté d’expression,Manifestations,Guerre et conflits
Emplacement
Israël,Territoires palestiniens
Date
Publié le 4 septembre 2024
Confirmé

FB-OMEHM1ZR

Cas de contenu violent et explicite sur Facebook

Plate-forme
Facebook
Sujet
Liberté d’expression,Manifestations,Guerre et conflits
Standard
Contenu violent et explicite
Emplacement
Israël,Royaume-Uni,Territoires palestiniens
Date
Publié le 4 septembre 2024

Cette décision est disponible en arabe et en hébreu.
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Résumé

Lors de son examen de trois cas impliquant trois éléments de contenu Facebook différents contenant l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer), le Conseil a estimé que ces éléments n’enfreignaient pas les règles de Meta en matière de discours haineux, de violence et d’incitation et d’organismes et d’individus dangereux. Plus précisément, les trois éléments de contenu contenaient des signes contextuels de solidarité avec la Palestine, mais n’appelaient pas à la violence ou à l’exclusion. Ils ne contenaient pas non plus de référence au Hamas ni de glorification de cette organisation que Meta estime dangereuse. En confirmant la décision de Meta de laisser le contenu sur Facebook, la majorité des membres du Conseil précise que l’expression revêt différentes significations et peut être utilisée de différentes manières et avec différentes intentions. Une minorité des membres pense cependant que, comme l’expression figure dans la charte du Hamas de 2017 et a été prononcée dans le cadre des attentats du 7 octobre, il convient de supposer que son utilisation dans une publication constitue une glorification d’une entité désignée, sauf en cas de présence de signaux clairement contraires.

Ces trois cas mettent en évidence les contradictions entre la valeur de voix de Meta et la nécessité de protéger la liberté d’expression, particulièrement les discours politiques dans le cadre d’un conflit, et les valeurs de Meta de sécurité et de dignité visant à protéger les individus de l’intimidation, de l’exclusion et de la violence. Le conflit actuel et qui se poursuit à la suite des attentats terroristes du Hamas en octobre 2023 et des opérations militaires israéliennes qui ont suivi a mené à des manifestations partout dans le monde et à des accusations d’infractions du droit international pour les deux camps. La montée de l’antisémitisme et de l’islamophobie est tout aussi pertinente, non seulement en raison de ces cas, mais aussi de l’utilisation générale de « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) sur les plateformes de Meta. Une fois de plus, ces cas soulignent l’importance de l’accès aux données pour évaluer efficacement la modération du contenu de Meta lors des conflits, ainsi que la nécessité d’une méthode pour suivre la quantité de contenu attaquant des personnes sur la base d’une caractéristique protégée. Par ses recommandations, le Conseil exhorte Meta à s’assurer que sa nouvelle Bibliothèque de contenu remplace efficacement CrowdTangle et d’appliquer intégralement la recommandation du rapport de diligence raisonnable en matière de droits humains de BSR concernant les implications de Meta en Palestine et en Israël.

À propos des cas

Dans le premier cas, un utilisateur de Facebook a commenté une vidéo publiée par un autre utilisateur. La légende de la vidéo encourage les internautes à « speak up » (prendre la parole) et inclut des hashtags comme « #ceasefire » (#cessezlefeu) et « #freepalestine » (#palestinelibre). Le commentaire de l’utilisateur comprend l’expression « FromTheRiverToTheSea » (DeLaRivièreALaMer) sous forme de hashtag, ainsi que d’autres hashtags comme « #DefundIsrael » (#RetirezLesFondsDIsrael) et des emojis de cœurs aux couleurs du drapeau palestinien. Ce commentaire a été vu environ 3000 fois et a été signalé quatre fois par des utilisateurs, mais ces signalements ont été automatiquement clôturés, car les systèmes automatisés de Meta ne les ont pas considérés comme prioritaires pour un examen manuel.

Dans le deuxième cas, l’utilisateur de Facebook a publié ce qui semble être une image générée de tranches de pastèque qui, en flottant, forment l’expression, suivie de « Palestine will be free » (La Palestine sera libre). Cette publication a été vue environ 8 millions de fois et a été signalée par 937 utilisateurs. Certains de ces signalements ont été examinés par des modérateurs qui n’ont pas estimé que la publication enfreignait les règles de Meta.

Dans le troisième cas, l’administrateur d’une page Facebook a partagé la publication d’une organisation communautaire canadienne, dans laquelle les membres fondateurs déclaraient leur soutien au peuple palestinien, condamnaient leur « senseless slaughter » (massacre insensible) et les « Zionist Israeli occupiers » (occupants israéliens sionistes). La publication a été vue moins de 1000 fois et a été signalée par un utilisateur, mais le signalement a été clôturé automatiquement.

Dans les trois cas, des utilisateurs ont ensuite fait appel auprès de Meta afin de faire supprimer le contenu, mais les appels ont été rejetés sans examen manuel à la suite d’une évaluation par l’un des outils automatisés de l’entreprise. Après que Meta a maintenu sa décision de laisser le contenu sur Facebook, les utilisateurs ont fait appel auprès du Conseil.

Les attentats terroristes sans précédent perpétrés par le Hamas contre Israël en octobre 2023 ont entraîné la mort de 1200 personnes et la prise de 240 otages. Ces attentats ont été suivis par une réponse militaire israélienne de grande envergure à Gaza, tuant plus de 39 000 personnes (nombre en juillet 2024). Depuis, les deux camps ont été accusés d’enfreindre le droit international et de commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Cette situation a généré un débat international, principalement sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, Instagram et Threads.

Principales observations

Le Conseil estime que rien n’indique que le commentaire ou les deux publications ont enfreint les règles de Meta en matière de discours haineux, car ils n’attaquent pas les juifs ou les Israéliens en appelant à la violence ou à l’exclusion, ni une institution ou un concept associé à une caractéristique protégée qui pourrait conduire à une violence imminente. Les trois éléments de contenu contiennent plutôt des signes contextuels de solidarité envers les Palestiniens sous forme de hashtags, de représentation visuelle ou de messages de soutien. Par ailleurs, ils n’enfreignent pas les règles relatives à la violence et à l’incitation, ni la politique de Meta relative aux organismes et individus dangereux, car ils ne contiennent pas de menaces de violence ou d’autres blessures physiques, et ne glorifient pas le Hamas ni ses actions.

Pour parvenir à sa décision, la majorité du Conseil note que l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) a de multiples significations. Si certains peuvent la comprendre comme encourageant et légitimant l’antisémitisme et l’élimination violente d’Israël et de son peuple, elle est néanmoins souvent utilisée comme un appel politique à la solidarité, à l’égalité des droits et à l’autodétermination du peuple palestinien, ainsi qu’à la fin de la guerre à Gaza. De ce fait, et comme le montrent ces cas, l’expression isolée ne peut être comprise comme un appel à la violence contre un groupe sur la base de ses caractéristiques protégées, comme préconisant l’exclusion d’un groupe particulier, ou comme soutenant une entité désignée, le Hamas. L’utilisation de cette expression par ce groupe terroriste ayant des objectifs et des actions explicitement éliminationnistes ne rend pas cette expression haineuse ou violente en soi, au vu du nombre de personnes qui l’utilisent de différentes manières. Il est essentiel de prendre en compte des facteurs tels que le contexte et l’identification des risques spécifiques afin d’analyser dans son ensemble le contenu publié sur les plateformes Meta. La suppression de ce contenu aurait pu être conforme aux responsabilités de Meta en matière de droits humains si l’expression avait été accompagnée de déclarations ou de signaux appelant à l’exclusion ou à la violence ou légitimant la haine. Toutefois, selon la majorité des membres du Conseil, la suppression n’aurait pas été fondée sur l’expression elle-même, mais sur d’autres éléments en infraction. Étant donné que cette expression n’a pas une signification unique, une interdiction générale des contenus reprenant cette expression, une règle par défaut de suppression de ces contenus, ou même l’utilisation de cette expression comme signal pour déclencher la mise en application ou l’examen, entraverait de manière inacceptable la liberté d’expression politique protégée.

Par contre, une minorité des membres du Conseil estime que Meta devrait adopter une règle par défaut supposant que l’expression constitue une glorification d’une organisation désignée, sauf en présence de signaux clairs permettant de déterminer que l’utilisateur ne soutient pas le Hamas ni les attentats du 7 octobre.

Une étude demandée par le Conseil à propos de ces cas a été basée sur l’outil d’analyses de données CrowdTangle. L’accès aux données de la plateforme est essentiel pour le Conseil et pour les parties prenantes externes afin d’évaluer la nécessité et la proportionnalité des décisions de modération de contenu de Meta dans le cadre de conflits armés. C’est la raison pour laquelle le Conseil est préoccupé par la décision de Meta d’arrêter cet outil alors que l’on se demande encore si le nouvel outil, la Bibliothèque de contenu Meta, pourra le remplacer efficacement.

Enfin, le Conseil reconnaît que, même en utilisant des outils de recherche, il est difficile d’évaluer efficacement l’ampleur de la montée des contenus antisémites, islamophobes, racistes et haineux sur les plateformes de Meta. Le Conseil exhorte Meta à mettre intégralement en application une recommandation émise précédemment dans le rapport de diligence raisonnable en matière de droits humains de BSR pour remédier à ce problème.

Décision du Conseil de surveillance

Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta de conserver le contenu dans les trois cas.

Le Conseil recommande à Meta ce qui suit :

  • Assurer que les chercheurs qualifiés, les organisations de la société civile et les journalistes qui avaient accès à CrowdTangle soient intégrés à la nouvelle Bibliothèque de contenu Meta dans les trois semaines après l’envoi de leur candidature.
  • Assurer que la Bibliothèque de contenu remplace efficacement CrowdTangle et donne un accès à des fonctionnalités et aux données équivalent ou supérieur.
  • Mettre en application la recommandation n° 16 du rapport de BSR sur la diligence raisonnable en matière de droits humains concernant l’influence de Meta en Israël et en Palestine, afin de mettre en œuvre un mécanisme de suivi de la prévalence du contenu qui attaque les individus sur la base de caractéristiques protégées spécifiques (par exemple, le contenu antisémite, islamophobe ou homophobe).

* Les résumés de cas donnent un aperçu du cas et n’ont pas valeur de précédent.

Décision complète sur le cas

1. Description du cas et contexte

Le Conseil de surveillance a examiné en parallèle trois cas impliquant du contenu publié sur Facebook par différents utilisateurs en novembre 2023 à la suite des attentats terroristes du Hamas du 7 octobre et après la réponse militaire d’Israël sur Gaza. Les trois éléments de contenu, rédigés en anglais, contenaient l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer).

Dans le premier cas, un utilisateur de Facebook a commenté la vidéo d’un autre utilisateur. La légende de la vidéo encourage les internautes à « speak up » (prendre la parole) et inclut plusieurs hashtags dont « #ceasefire » (#cessezlefeu) et « #freepalestine » (#palestinelibre). Le commentaire comprend l’expression « FromTheRiverToTheSea » (DeLaRivièreALaMer) sous forme de hashtag, ainsi que d’autres hashtags comme « #DefundIsrael » (#RetirezLesFondsDIsrael) et des emojis de cœurs aux couleurs du drapeau palestinien. L’utilisateur concerné n’est pas une personnalité publique, compte moins de 500 amis et n’a pas de followers. Le commentaire a été vu environ 3000 fois et a été signalé sept fois par quatre utilisateurs. Les signalements ont été clôturés, car les systèmes automatisés de Meta ne leur ont pas donné la priorité pour un examen manuel dans les 48 heures. L’une des personnes qui avaient signalé le contenu a fait appel auprès de Meta.

Dans le deuxième cas, l’utilisateur Facebook a publié ce qui semble être une image générée de tranches de pastèque qui, en flottant, forment l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) suivie de « Palestine will be free » (La Palestine sera libre). L’utilisateur concerné n’est pas une personnalité publique, compte moins de 500 amis et n’a pas de followers. La publication a été vue environ 8 millions de fois et a été signalée 951 fois par 937 utilisateurs. Le premier signalement a été clôturé, une fois de plus parce que les systèmes automatisés de Meta ne lui ont pas donné la priorité pour un examen manuel dans les 48 heures. Certains autres signalements ont été examinés et évalués par des modérateurs, qui ont estimé que le contenu n’était pas en infraction. Plusieurs personnes qui avaient signalé le contenu ont fait appel auprès de Meta.

Dans le troisième cas, l’administrateur d’une page Facebook a partagé une publication de la page d’une organisation communautaire canadienne. La publication est une déclaration des « founding members » (membres fondateurs) de l’organisation qui annoncent soutenir « the Palestinian people » (le peuple palestinien), condamner leur « senseless slaughter » (massacre insensible) et les « Zionist Israeli occupiers » (occupants israéliens sionistes) et expriment leur solidarité avec « Palestinian Muslims, Palestinian Christians and anti-Zionist Palestinian Jews » (les musulmans palestiniens, les chrétiens palestiniens et les juifs palestiniens antisionistes). La publication se termine par l’expression « From The River To The Sea » (De la rivière à la mer). Cette publication a été vue moins de 1000 fois et a été signalée par un utilisateur. Le signalement a été clôturé automatiquement. L’utilisateur qui avait signalé le contenu a fait appel auprès de Meta.

Tous les appels reçus par Meta concernant ces trois éléments de contenu ont été clôturés sans examen manuel, sur la base d’une évaluation par les outils automatisés. Meta a maintenu sa décision de laisser les trois éléments de contenu sur la plateforme. Les utilisateurs qui avaient signalé les éléments de contenu ont ensuite fait appel auprès du Conseil pour les faire retirer. Après que le Conseil a sélectionné et annoncé les trois cas, l’utilisateur qui avait publié le contenu dans le troisième cas a supprimé sa publication de Facebook.

Le Conseil fait remarquer le contexte suivant en parvenant à sa décision.

Le 7 octobre 2023, le Hamas, une organisation de niveau 1 désignée par le Standard de la communauté relatif aux organismes et individus dangereux, a mené des attentats terroristes sans précédent contre Israël depuis Gaza, qui ont fait environ 1200 morts et 240 otages, principalement des juifs et des citoyens israéliens musulmans, ainsi que des citoyens à la double nationalité et des ressortissants étrangers (ministère des Affaires étrangères, gouvernement d’Israël). En juillet 2024, plus de 115 otages sont toujours retenus captifs. Les attentats comprennent l’incendie et la destruction de centaines d’habitations, ce qui a mené au déplacement immédiat d’environ 120 000 personnes, situation toujours en cours à l’heure actuelle. Israël a immédiatement entrepris une campagne militaire de grande envergure à Gaza en réponse aux attentats. La campagne militaire d’Israël, qui se poursuit actuellement, a tué plus de 39 000 personnes (Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, d’après les données fournies par le ministère de la Santé à Gaza). Selon les rapports, il est estimé qu’en juillet 2024, 52 % des personnes décédées sont des femmes et des enfants. La campagne militaire a entraîné la destruction importante d’infrastructures civiles et le déplacement répété de 1,9 million de personnes, la grande majorité de la population de Gaza, qui fait désormais face à une crise humanitaire critique. En avril 2024, au moins 224 travailleurs humanitaires avaient été tués à Gaza, c’est-à-dire plus de trois fois le nombre de travailleurs humanitaires tués dans tout autre conflit enregistré en un an.

Meta a immédiatement qualifié les événements du 7 octobre d’attentat terroriste dans le cadre de sa politique relative aux organismes et individus dangereux. En vertu de ses Standards de la communauté, Meta supprimera ainsi tous les éléments de contenu sur ses plateformes qui « glorifient, soutiennent ou représentent » les attentats du 7 octobre ou ses responsables.

Lors de ce conflit toujours en cours, les deux camps ont été accusés d’enfreindre les lois internationales. Israël fait l’objet d’une procédure devant la Cour internationale de justice pour infraction présumée aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. En outre, des responsables du Hamas et d’Israël ont été cités par le procureur de la Cour pénale internationale dans des demandes de mandats d’arrêt fondés sur des accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui auraient été commis par chacune des parties. Les responsables du Hamas sont accusés de porter la responsabilité pénale de l’extermination, du meurtre, de la prise d’otages, du viol et d’autres actes de violence sexuelle, de la torture, d’autres actes inhumains, de traitements cruels et d’atteintes à la dignité des personnes dans le contexte de la captivité, en Israël et dans les territoires palestiniens (dans la bande de Gaza), au moins à partir du 7 octobre 2023. Selon le procureur, ces actes « s’inscrivent dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique de la population civile d’Israël par le Hamas et d’autres groupes armés conformément à des politiques organisationnelles », dont une partie « se poursuit à ce jour ». Les responsables israéliens sont accusés de porter la responsabilité pénale d’avoir affamé des civils en guise de méthode de guerre, d’avoir causé délibérément de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé, d’avoir tué ou assassiné délibérément, d’avoir dirigé intentionnellement des attaques contre une population civile, d’avoir exterminé et/ou assassiné, y compris dans le contexte de décès causés par la famine, d’avoir persécuté et d’avoir commis d’autres actes inhumains dans les territoires palestiniens (dans la bande de Gaza) au moins à partir du 8 octobre 2023. Selon le procureur, ces actes « ont été commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre la population civile palestinienne conformément à la politique de l’État », ce qui « se poursuit à ce jour ». De plus, dans un avis consultatif rendu le 19 juillet 2024 en réponse à une demande de l’Assemblée générale des Nations unies, la Cour internationale de justice a conclu que « la présence continue de l’État d’Israël dans le territoire palestinien occupé est illégale » et a énoncé les obligations qui incombent à Israël, aux autres États et aux organisations internationales, y compris les Nations unies, sur la base de cette conclusion. L’analyse de la Cour ne prend pas en compte « le comportement d’Israël dans la bande de Gaza en réponse à l’attentat perpétré le 7 octobre 2023 ».

La Commission d’enquête internationale indépendante des Nations unies sur le territoire palestinien occupé, y compris l’est de Jérusalem, et en Israël, établie par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, a conclu, dans un rapport de mai 2024, que des membres du Hamas « ont délibérément tué, blessé, maltraité, pris en otage et commis des violences sexuelles et sexistes à l’encontre de civils, y compris des citoyens israéliens et des ressortissants étrangers, ainsi que des membres des forces de sécurité israéliennes (FSI) ». Selon la Commission, « ces actions constituent des crimes de guerre », ainsi que « des infractions au droit international humanitaire et à la législation internationale en matière de droits humains ». La Commission a également conclu qu’« Israël a commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des infractions au [droit international humanitaire] et à [la législation internationale en matière de droits humains] ». Elle a également déclaré qu’« Israël a utilisé la famine comme méthode de guerre », « a militarisé le refus de fournir des produits de première nécessité, y compris l’aide humanitaire » et « a perpétré des crimes sexuels et à caractère sexiste contre des Palestiniens ». En ce qui concerne les rapports et les allégations des FSI indiquant que la branche militaire du Hamas et d’autres groupes armés non étatiques à Gaza ont opéré à partir de zones civiles, la Commission « réitère que toutes les parties au conflit, y compris les FSI et les branches militaires du Hamas et d’autres groupes armés non étatiques, doivent respecter [le droit international humanitaire] et éviter d’accroître les risques pour les civils en utilisant des objets civils à des fins militaires ». En outre, la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit a conclu qu’il existait des informations claires et convaincantes selon lesquelles « des violences sexuelles, y compris des viols [et] des tortures à caractère sexuel » avaient été commises à l’encontre des otages dans le cadre des attentats du 7 octobre, et a demandé « l’ouverture d’une enquête approfondie ». Les attentats terroristes et les opérations militaires qui ont entraîné la mort de dizaines de milliers de personnes et le déplacement de plus de deux millions d’autres, principalement à Gaza, mais aussi en Israël et en Cisjordanie occupée, ont suscité un vif intérêt, un débat et un examen minutieux dans le monde entier. Et ce, principalement sur les plateformes de réseaux sociaux, notamment Facebook, Instagram et Threads.

Selon les recherches et les rapports commandés par le Conseil, l’utilisation de l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) s’est répandue sur les réseaux sociaux et dans les manifestations propalestiniennes à la suite des attentats du 7 octobre et des opérations militaires d’Israël. L’expression fait référence à la zone entre le fleuve Jourdain et la mer Méditerranée, qui couvre aujourd’hui la totalité du territoire israélien et des territoires palestiniens occupés par Israël. L’expression précède les attentats du 7 octobre et s’inscrit depuis longtemps dans le mouvement de protestation palestinien, depuis le plan de partage de 1948 adopté par l’Assemblée générale des Nations unies. Elle est liée aux aspirations des Palestiniens à l’autodétermination et à l’égalité des droits (voir les commentaires publics : Access Now PC-29291, SMEX PC-29396, PC-29211, PC-28564 et Jewish Voices for Peace PC-29437). Toutefois, l’expression a également été associée au Hamas dans son utilisation la plus récente. La charte originale du Hamas datant de 1988 appelait à la destruction d’Israël et « semble encourager le meurtre des juifs où qu’ils se trouvent » (PC-28895). La charte du Hamas de 2017 reprend l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer), utilisée par des individus et des groupes appelant à l’opposition violente contre Israël ou à sa destruction ainsi qu’à l’exclusion forcée des juifs de Palestine, avec des variantes telles que « From the River to the Sea, Palestine will be Arab » (De la rivière à la mer, la Palestine sera arabe) (voir les commentaires publics : ADL PC-29259, American Jewish Committee PC-29479, NGO Monitor PC-28905, PC-29526 et Jewish Home Education Network PC-28694). Une autre variante de l’expression figurait également dans le programme de 1977 du Likoud, le parti au pouvoir en Israël : « Between the Sea and the Jordan there will only be Israeli sovereignty » (Entre la mer et le Jourdain, il n’y aura que la souveraineté israélienne).

L’expression n’a donc pas un sens unique. Elle a été adoptée par plusieurs groupes et individus et sa signification dépend de l’intervenant, du public et du contexte. Pour certains, elle évoque un discours antisémite refusant au peuple juif le droit à la vie, à l’autodétermination et au maintien dans son propre État, créé en 1948, y compris par l’expulsion forcée du peuple juif d’Israël. Le chef du bureau politique du Hamas, Ghazi Hamad, des voix anti-israéliennes et des partisans d’organisations terroristes qui cherchent à détruire Israël par des moyens violents ont utilisé ce cri de ralliement, qui est inscrit dans la charte du Hamas. Il s’agit également d’un appel à la création d’un État palestinien englobant l’ensemble du territoire, ce qui signifierait le démantèlement de l’État juif. Lorsque des membres de la communauté juive et pro-israélienne l’entendent, cette expression peut susciter la peur et être comprise comme une légitimation ou une défense de l’ampleur sans précédent des meurtres, des enlèvements, des massacres et des atrocités commis lors des attentats du 7 octobre, lorsque le peuple juif a été témoin d’une tentative visant à concrétiser sa destruction. Le fait que la population juive représente environ 0,2 % de la population mondiale (15,7 millions de personnes dans le monde), dont la moitié sont en Israël (environ 0,1 % de la population mondiale), renforce ce sentiment et la sensation de risque et d’intimidation ressentie par de nombreux juifs (voir les commentaires publics : ADL PC-29259, CAMERA PC-29218, Campaign Against Antisemitism PC-29361, World Jewish Congress PC-29480 et American Jewish Committee PC-29479). Parallèlement, le nombre estimé de Palestiniens dans le monde fin 2023 est d’environ 14,6 millions de personnes, dont la moitié vit en Israël ou dans des territoires sous occupation israélienne. C’est en partie pour cette raison que beaucoup comprennent l’expression comme un appel à l’égalité des droits et à l’autodétermination du peuple palestinien. Elle est parfois utilisée pour indiquer un soutien à un ou plusieurs objectifs politiques spécifiques : un État binational unique sur l’ensemble du territoire, une solution à deux États pour les deux groupes, le droit au retour des réfugiés palestiniens ou la fin de l’occupation militaire israélienne des territoires palestiniens saisis lors de la guerre de 1967, entre autres. Dans d’autres contextes, l’expression est une simple affirmation d’un lieu, d’un peuple et d’une histoire sans objectifs ou tactiques politiques concrets (voir les commentaires publics : Access Now PC-29291, SMEX PC-29396, PC-29211, PC-28564 et l’initiative Hearing Palestine de l’université de Toronto PC-28564). Après les attentats terroristes du Hamas le 7 octobre et la campagne militaire israélienne à Gaza, elle a également été utilisée dans le cadre d’appels à un cessez-le-feu (voir les commentaires publics : Jewish Voice for Peace PC-29437, Access Now PC-29291, et le briefing d’Article 19). Pour certains Palestiniens et certains membres de la communauté propalestinienne, l’utilisation de cette expression dans la charte du Likoud de 1977, ainsi que les récentes déclarations de Benjamin Netanyahu, le chef du parti, et des membres de son administration, qui s’opposent à la création d’un État palestinien, indiquent une opposition à la fois à une solution à deux États et à l’égalité des droits des Palestiniens, et un appel à l’expulsion des Palestiniens de Gaza et/ou de Cisjordanie (voir les commentaires publics : Access Now PC-29291, et Digital Rights Foundation PC-29256).

Le Conseil a chargé des experts externes d’analyser l’expression sur les plateformes de Meta. L’analyse des experts s’est appuyée sur CrowdTangle, un outil d’analyse de données détenu et exploité par Meta. CrowdTangle suit le contenu public des pages, groupes et comptes publics les plus importants dans tous les pays et toutes les langues, mais n’inclut pas tout le contenu des plateformes de Meta ni les informations sur le contenu qui a été supprimé par l’entreprise. Par conséquent, il est peu probable qu’il existe des cas d’utilisation de l’expression accompagnée d’un contenu en infraction (par exemple, une attaque directe ou des appels à la violence visant le peuple juif et/ou les Israéliens sur la base d’une caractéristique protégée ou un contenu soutenant une organisation terroriste), car ce contenu aurait probablement été retiré par Meta. Au cours des six mois qui ont précédé les attentats du 7 octobre, les experts ont noté un plus grand nombre d’utilisations de l’expression en arabe qu’en anglais sur Facebook (1600 contre 1400, respectivement). Dans les six mois qui ont suivi le 7 octobre, jusqu’au 23 mars 2024, l’utilisation de l’expression en anglais a augmenté de manière significative par rapport à l’arabe (82 082 contre 2880, respectivement). Selon ces experts, les augmentations les plus significatives de l’utilisation de l’expression sur Facebook au cours de cette période ont eu lieu en janvier et en mars. Sur Instagram, la phrase en anglais a été beaucoup plus utilisée qu’en arabe avant et après le 7 octobre. Une forte augmentation a été observée en novembre 2023, au moment où les forces de défense israéliennes (FDI) ont frappé l’hôpital Al-Shifa et où la crise humanitaire s’est aggravée à Gaza. De plus, les utilisations de l’expression relevées par les experts sur la plateforme faisaient partie de publications qui cherchaient à sensibiliser aux conséquences de la guerre sur les Palestiniens, appelaient à un cessez-le-feu et/ou célébraient les droits des Palestiniens à l’autodétermination et à l’égalité. Bien que certains hashtags soient devenus de plus en plus virulents à l’égard de l’armée israélienne, aucun message appelant explicitement à la mort de juifs ou soutenant les actions du Hamas le 7 octobre n’a été identifié. L’absence de tels messages peut s’expliquer par le fait que ces contenus ont été supprimés par Meta.

L’expression a été utilisée dans le cadre de manifestations antiguerre et propalestiniennes dans le monde entier, notamment lors des manifestations sur les campus universitaires américains, d’avril à mai 2024. Au 6 juin 2024, plus de 3000 personnes avaient été arrêtées ou placées en détention lors de manifestations sur des campus aux États-Unis pour des infractions présumées aux règles régissant les rassemblements sur les campus. Dans la majorité de ces cas, les charges ont été abandonnées par la suite. Dans d’autres pays, les autorités ont parfois tenté d’interdire ou d’annuler des manifestations ou d’engager des poursuites à l’encontre de manifestants en raison de l’utilisation de l’expression (par exemple, à Vienne, en Autriche). À Prague, en République tchèque, on a tenté d’interdire une manifestation en novembre 2023 en raison de l’utilisation prévue de l’expression, mais un tribunal local a annulé la décision et a autorisé la manifestation. Au Royaume-Uni, l’ancien ministre de l’Intérieur a encouragé la police à interpréter l’utilisation de l’expression comme une infraction à la loi, mais la police métropolitaine a refusé d’adopter une interdiction générale. En Allemagne, le ministère de l’Intérieur a qualifié la phrase de slogan associé au Hamas. Le tribunal administratif de la ville de Munster, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, a estimé que l’expression seule ne pouvait être interprétée comme une incitation, car elle revêt de multiples significations. Cependant, le tribunal administratif supérieur d’un autre État allemand a décidé que même si la phrase pouvait revêtir plusieurs significations, le tribunal ne pouvait pas annuler l’interdiction de son utilisation dans une assemblée par le biais d’une décision préliminaire, étant donné l’ordre émis par le ministère de l’Intérieur. Aux États-Unis, la Résolution 883, approuvée par 377 voix contre 44 à la Chambre des représentants en avril 2024, condamne l’expression comme « un appel aux armes antisémite ayant pour but l’éradication de l’État d’Israël, situé entre le Jourdain et la mer Méditerranée ». La résolution souligne également que « le Hamas, le Jihad islamique palestinien, le Hezbollah et d’autres organisations terroristes ainsi que leurs sympathisants ont utilisé et continuent d’utiliser ce slogan comme un cri de ralliement pour la destruction d’Israël et l’extermination du peuple juif ».

Depuis le 7 octobre, les Nations unies, les agencesgouvernementales et les groupesde défense ont mis en garde contre une hausse de l’antisémitisme et de l’islamophobie. Aux États-Unis, par exemple, dans les trois mois qui ont suivi le 7 octobre, l’Anti-Defamation League (ADL) a enregistré une augmentation de 361 % des incidents antisémites signalés : agressions physiques, vandalisme, harcèlement verbal ou écrit et rassemblements comprenant « une rhétorique antisémite, des expressions de soutien au terrorisme contre l’État d’Israël et/ou à l’antisionisme ». Sans tenir compte de cette dernière catégorie de « rassemblements comprenant une rhétorique antisémite, des expressions de soutien au terrorisme contre l’État d’Israël et/ou à l’antisionisme », qui a été ajoutée par l’ADL après le 7 octobre, les États-Unis ont tout de même enregistré une augmentation de 176 % des cas d’antisémitisme. Selon le Council on American-Islamic Relations, au cours de la même période de trois mois, les signalements de discrimination et de haine contre les musulmans et contre les Palestiniens (p. ex., la discrimination à l’emploi, les crimes et incidents de haine et la discrimination en matière d’éducation, entre autres catégories décrites dans son rapport, pp. 13-15) ont augmenté d’environ 180 % aux États-Unis. Les données comparatives publiées par la police métropolitaine du Royaume-Uni sur les crimes de haine antisémites et islamophobes en octobre 2022 par rapport à octobre 2023 ont montré une augmentation dans les deux cas (antisémites de 39 à 547 et islamophobes de 75 à 214). Certains membres du Conseil considèrent également que le fait que les juifs représentent 0,5 % et les musulmans 6,5 % de la population britannique, et que les juifs représentent 0,2 % et les musulmans 25,8 % de la population mondiale, constitue un contexte important dans l’évaluation de ces chiffres. Dans toute l’Europe, des pays ont mis en garde contre l’augmentation des crimes et discours de haine et des menaces contre les libertés civiles visant les communautés juives et musulmanes. Des meurtres et d’autres formes de violence très grave visant les Palestiniens, ainsi que des tentatives de meurtre, des viols et d’autres formes de violence très grave visant les juifs, ont été signalés depuis le 7 octobre 2023.

2. Soumissions de l’utilisateur

Les utilisateurs Facebook qui ont signalé le contenu et ont ensuite fait appel auprès du Conseil estimaient que l’expression enfreignait les règles de Meta en matière de discours haineux, de violence et d’incitation ou d’organismes et individus dangereux. L’utilisateur qui a signalé le contenu dans le premier cas a déclaré que l’expression enfreignait les politiques de Meta interdisant le contenu de promotion de la violence ou de soutien au terrorisme. Les utilisateurs qui ont signalé le contenu dans le deuxième et le troisième cas ont déclaré que l’expression constitue un discours haineux et antisémite et appelle au génocide et à l’abolition de l’État d’Israël.

3. Politiques de Meta relatives au contenu et soumissions

I. Politiques de Meta relatives au contenu

Meta a analysé l’expression et le contenu dans les trois cas par rapport à trois politiques.

Discours haineux

Selon la justification de la Politique, le Standard de la communauté relatif aux discours haineux, il est interdit de publier une « attaque directe contre des personnes, plutôt que contre des concepts ou des institutions, fondée sur [...] des caractéristiques protégées : [y compris] l’origine ethnique, l’origine nationale [et] la religion ». L’entreprise définit « une attaque comme un discours violent ou déshumanisant, [...] une déclaration d’infériorité, une expression de mépris, de dégoût ou de rejet, une insulte ou un appel à l’exclusion ou à la ségrégation ».

Le niveau 1 de la politique interdit de cibler une personne ou un groupe de personnes sur la base de caractéristiques protégées par le biais de « déclarations appelant à l’action ou déclarant la volonté d’infliger des dommages, des déclarations conditionnelles ou exprimant le souhait de blesser ou des déclarations défendant ou soutenant la violence » ainsi que des « appels aux accidents ou à d’autres blessures physiques du fait d’aucun individu ou du fait d’une divinité ».

Par le biais du niveau 2 de la politique, Meta interdit le contenu ciblant une personne ou un groupe de personnes du fait de leurs caractéristiques protégées par « une ségrégation sous forme d’appels à l’action, de déclarations d’intention, de déclarations d’aspiration ou conditionnelles ou de déclarations prônant ou soutenant la ségrégation » explicite, politique, économique ou sociale.

Enfin, sous la section « besoin d’informations supplémentaires et/ou d’un contexte pour mettre en application », l’entreprise interdit le « contenu attaquant des concepts, des institutions, des idées, des pratiques ou des croyances en lien avec des caractéristiques protégées, susceptibles de contribuer à des blessures physiques imminentes, de l’intimidation ou de la discrimination envers des personnes associées aux caractéristiques protégées concernées ».

Violence et incitation

La politique relative à la violence et à l’incitation interdit les « menaces de violence pouvant entraîner la mort (ou d’autres formes de violence de haute gravité) ». Des protections supplémentaires sont fournies aux « personnes ou groupes sur la base de leurs caractéristiques protégées [...] contre les menaces de violence de faible gravité ». Avant le 6 décembre 2023, l’interdiction des appels à la violence dépendait de la politique sur les discours haineux. Selon Meta, la décision de déplacer cette règle dans la politique relative à la violence et à l’incitation faisait partie intégrante d’une réorganisation des Standards de la communauté et n’avait pas de répercussions sur la manière de la mettre en application.

Sous la section « besoin d’informations supplémentaires et/ou d’un contexte pour les appliquer », l’entreprise interdit les « déclarations codées ne formulant pas clairement le type de violence, mais dans lesquelles la menace est dissimulée ou implicite, comme le montre la combinaison d’un signal de menace et d’un signal contextuel ».

Organismes et individus dangereux

Après que les utilisateurs qui avaient signalé le contenu ont fait appel auprès du Conseil, Meta a mis à jour le Standard de la communauté relatif aux organismes et individus dangereux (le 29 décembre 2023). Le Hamas est une entité désignée par le niveau 1 de la politique. Avant le 29 décembre 2023, la politique interdisait les « éloges » des entités de niveau 1, définies comme les « discours positifs », la légitimation de la « cause d’une entité désignée en affirmant que son comportement haineux, violent ou criminel est légalement, moralement ou autrement justifié ou acceptable » ou l’alignement « idéologique sur une entité ou un événement désignés ». La politique actuelle (en juillet 2024) interdit la « glorification » des entités de niveau 1, y compris la « légitimation ou la défense des actes violents ou haineux d’une entité désignée en affirmant qu’ils revêtent une justification morale, politique, logique ou autre les rendant acceptables ou raisonnables ».

II. Soumissions de Meta

Meta a expliqué que l’expression isolée « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) n’enfreint pas les politiques de l’entreprise relatives aux discours haineux, à la violence et à l’incitation et aux organismes et individus dangereux. L’entreprise ne supprime donc que le contenu reprenant cette expression si une autre partie du contenu enfreint indépendamment ses Standards de la communauté.

Meta a expliqué ne pas avoir mis en place de processus de développement complet visant à recueillir les avis des parties prenantes et d’experts du monde entier sur cette expression, mais avoir examiné l’utilisation de l’expression après les attentats du 7 octobre et la réponse militaire israélienne. L’entreprise a déclaré être consciente que cette expression avait de nombreux antécédents. Elle a expliqué que, même si certainesparties prenantes considèrent l’expression comme antisémite ou comme une menace envers l’État d’Israël, d’autres parties prenantes utilisent l’expression comme un soutien au peuple palestinien et estiment que la décrire comme antisémite est « soit incorrect soit profondément islamophobe ». En raison de ces divergences d’opinions, Meta ne « peut pas conclure que le contenu en question utilise l’expression comme un appel à la violence contre un groupe sur la base de ses caractéristiques protégées ». Elle ne peut pas non plus conclure « sans contexte supplémentaire que [...] l’intervenant souhaite l’exclusion d’un groupe en particulier ».

En évaluant l’expression en regard de sa politique relative aux organismes et individus dangereux, l’entreprise a estimé que « l’expression n’est pas uniquement liée au Hamas. Bien que le Hamas utilise cette expression dans sa charte datant de 2017, l’expression est plus ancienne que le groupe et a toujours été utilisée par des personnes qui ne sont pas liées au Hamas et qui ne soutiennent pas son idéologie terroriste ». Concernant le contenu examiné, Meta estime que « aucun des trois éléments de contenu de ce cas groupé n’évoque de soutien au Hamas ou ne glorifie l’organisation. À défaut de ce contexte supplémentaire, Meta estime que le contenu n’enfreint pas les Standards de la communauté ».

En réponse aux questions du Conseil concernant les recherches et les analyses effectuées par Meta pour parvenir à ses conclusions, Meta a déclaré que son équipe chargée des politiques avait examiné la manière dont l’expression était utilisée sur ses plateformes et l’avait évaluée par rapport aux Standards de la communauté. L’entreprise a également effectué une analyse afin de décider s’il convenait de bloquer les hashtags contenant cette expression. Selon Meta, l’entreprise supprime un hashtag s’il est intrinsèquement violent et le bloque lorsqu’une forte prévalence de contenu associé à un hashtag est violente. Pour ce faire, l’équipe opérationnelle de Meta a examiné le contenu contenant des hashtags de l’expression en question et a constaté que seule une petite partie du contenu enfreignait les politiques de Meta, et ce, pour des raisons autres que l’expression elle-même.

Le Conseil a demandé à Meta si l’entreprise avait reçu des demandes gouvernementales de suppression de contenus contenant cette expression et quelles mesures l’entreprise avait prises pour y répondre. Meta a informé le Conseil de la réception d’un certain nombre de demandes émanant d’organisations gouvernementales allemandes souhaitant restreindre l’accès au contenu dans le pays en vertu de la législation locale. En conséquence, Meta a restreint l’accès au contenu en Allemagne.

4. Commentaires publics

Le Conseil de surveillance a reçu 2412 commentaires publics répondant aux critères de soumission. 60 % provenaient des États-Unis et du Canada, 17 % du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, 12 % d’Europe, 6 % d’Asie-Pacifique et d’Océanie et 5 % d’autres régions. Pour consulter les commentaires publics soumis accompagnés d’un consentement à la publication, cliquez ici.

Les soumissions portaient sur les thèmes suivants : l’utilisation de l’expression par le Hamas et sa signification en tant qu’appel antisémite à la violence ou à l’exclusion ; l’expression en tant que discours politique protégé pendant une crise humanitaire ; les racines historiques de l’expression et l’évolution de son utilisation, y compris en tant qu’appel aux droits des Palestiniens à l’égalité et à l’autodétermination ; la nécessité d’évaluer l’expression en fonction du contexte pour déterminer sa signification et si elle peut être associée à des appels à la violence ; et les préoccupations concernant l’utilisation de l’automatisation pour modérer le contenu lié au conflit et son impact négatif sur les défenseurs des droits humains et les journalistes.

5. Analyse du Conseil de surveillance

Ces trois cas mettent en évidence la tension entre la protection de la voix de Meta et la nécessité croissante de protéger la liberté d’expression, particulièrement les discours politiques en périodes de conflit, et les valeurs de Meta de sécurité et de dignité visant à protéger les individus de l’intimidation, de l’exclusion, de la violence et des préjudices dans le monde réel. C’est particulièrement important en cas de conflit violent ayant des répercussions sur la sécurité des personnes, non seulement dans la zone de guerre, mais aussi dans le monde entier. Il est impératif que Meta prenne des mesures efficaces pour s’assurer que ses plateformes ne sont pas utilisées pour inciter à des actes de violence. La réponse de l’entreprise à cette menace doit également permettre de respecter l’ensemble des droits humains, notamment la liberté d’expression. C’est particulièrement pertinent pour l’itération actuelle, et qui se poursuit, d’un conflit qui a suivi les attentats terroristes du Hamas en octobre 2023 et les opérations militaires israéliennes qui en ont découlé, résultant en des manifestations politiques partout dans le monde et à des accusations d’infractions des lois internationales pour les deux camps. La montée de l’antisémitisme et de l’islamophobie est également pertinente pour l’évaluation, non seulement de ces cas, mais aussi de l’utilisation générale de l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) sur les plateformes de Meta, compte tenu de ses différentes significations, utilisations et interprétations.

Le Conseil relève que, bien que Meta ait déterminé que « le slogan, à lui seul, n’enfreint pas les Standards de la communauté », l’entreprise « n’a pas mené de recherches sur la prévalence et l’utilisation de l’expression », en dehors du travail que les équipes de l’entreprise ont effectué pour comprendre l’utilisation de l’expression dans les hashtags, comme expliqué à la section 3. Meta n’a pas fourni de données sur les contenus contenant l’expression qui ont été supprimés en raison d’autres infractions à ses politiques. Néanmoins, de nombreux commentaires publics reçus par le Conseil soulignent les nuances dans l’utilisation de cette expression. Le Conseil estime qu’en donnant aux chercheurs un meilleur accès aux données de la plateforme et en investissant des ressources supplémentaires dans le développement de la recherche interne, Meta permettrait de mieux comprendre les corrélations entre le comportement en ligne et les préjudices hors ligne.

Le Conseil a analysé les décisions de Meta dans ces cas, en les comparant à ses politiques relatives au contenu, ses valeurs et ses responsabilités en matière de droits humains. Le Conseil a également évalué les implications de ces cas pour l’approche plus globale de Meta dans le cadre de la gouvernance du contenu.

5.1 Respect des politiques de Meta relatives au contenu

I. Règles relatives au contenu

Le Conseil estime que les trois éléments de contenu (un commentaire et deux publications) n’enfreignent pas les politiques de Meta. L’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) pouvant avoir une grande variété de significations et d’interprétations, le Conseil a examiné l’ensemble du contenu de ces trois publications pour déterminer s’il y avait eu infraction à une politique.

Rien n’indique que les trois éléments de contenu examinés ont enfreint la politique de Meta relative aux discours haineux en attaquant les juifs ou les Israéliens en appelant à la violence ou à l’exclusion, ni en attaquant une institution ou un concept associé à une caractéristique protégée qui pourrait conduire à une violence imminente. Bien que cette expression ait été utilisée par certains pour attaquer des personnes juives ou israéliennes, ces trois éléments de contenu expriment ou contiennent des signaux contextuels de solidarité avec les Palestiniens et aucun propos ou signal n’appelle à la violence ou à l’exclusion. Le commentaire du premier cas porte sur une vidéo encourageant les autres à « speak up » (prendre la parole) et comportant un hashtag « #ceasefire » (#cessezlefeu) tandis que le commentaire de l’utilisateur contient les hashtags « #PalestineWillBeFree » (#LaPalestineSeraLibre) et « #DefundIsrael » (#RetirezLesFondsDIsrael), ainsi que des emojis en forme de cœur aux couleurs du drapeau palestinien. La publication du deuxième cas est une représentation visuelle, probablement une image générée, de tranches de pastèque (la pastèque est un symbole de solidarité avec la Palestine, car ses couleurs sont les mêmes que celles du drapeau palestinien) qui, en flottant, forment l’expression, suivie de « Palestine will be free » (La Palestine sera libre), le tout sans aucune légende ni autre signal visuel. La troisième publication indique explicitement que le message est un message de solidarité avec les familles palestiniennes qui luttent pour survivre, et affirme soutenir les Palestiniens de toutes les confessions.

Aucun des trois éléments de contenu n’enfreint la politique en matière de violence et d’incitation, car ils ne contiennent pas de menaces de violence ou d’autres blessures physiques. Comme le Conseil l’a expliqué dans des décisions antérieures, Meta requiert qu’un message contienne une « menace » et une « cible » pour être considéré comme en infraction à cette politique. Le Conseil ne constate aucune indication de menace dans ces cas. La politique relative à la violence et à l’incitation interdit également les « déclarations codées lorsque la méthode de violence n’est pas clairement définie, mais que la menace est voilée ou implicite ». Pour être mise en application, cette ligne de conduite exige un « signal de menace » ainsi qu’un « signal contextuel ». Parmi les « signaux contextuels », Meta identifie aux fins de la mise en application de la politique : « le contexte local ou l’expertise confirm[ant] que la déclaration en question est susceptible de mener à des actes de violence imminents ». Bien que le Conseil reconnaisse qu’il existe des cas et des contextes dans lesquels le contenu incluant l’expression peut être utilisé pour appeler à la violence, rien n’indique que les trois éléments de contenu examinés pourraient conduire à une violence imminente.

De plus, le commentaire et les deux publications ne glorifient pas le Hamas, une organisation désignée dans le cadre de la politique de Meta relative aux organismes et individus dangereux, ni ses actions. Aucun de ces éléments de contenu ne fait référence au Hamas ou n’utilise une quelconque référence pour glorifier l’organisation ou ses actions. Bien que plusieurs commentaires publics préconisent d’interpréter toute utilisation de l’expression comme un soutien au Hamas, la majorité des membres du Conseil rejette cette approche et estime que les trois éléments de contenu n’enfreignent pas la politique de Meta, étant donné que l’expression, qui existait avant la création du Hamas, n’a pas une signification unique (voir section 1). En outre, aucun des éléments de contenu ne fait référence à l’entité désignée ou ne tente de justifier les attentats du 7 octobre.

Enfin, le Conseil souligne à nouveau que l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) revêt de multiples significations et a été adoptée par divers groupes et individus, chaque fois avec des interprétations et des intentions différentes. Si certains peuvent l’utiliser pour encourager et légitimer l’antisémitisme et l’élimination violente d’Israël et de son peuple, l’expression est néanmoins souvent utilisée comme un appel politique à la solidarité, à l’égalité des droits et à l’autodétermination du peuple palestinien, ainsi qu’à la fin de la guerre à Gaza (voir section 2). De ce fait, et comme le montrent ces trois cas, l’expression isolée, sans prendre en compte le contexte, ne peut être comprise comme un appel à la violence contre un groupe sur la base de ses caractéristiques protégées, comme préconisant l’exclusion d’un groupe particulier, ou comme soutenant une entité désignée ou ses actions. L’utilisation d’une expression par un groupe terroriste extrémiste particulier ayant des objectifs et des actions explicitement éliminationnistes ne rend pas cette expression haineuse ou violente en soi, au vu du nombre d’acteurs qui l’utilisent de différentes manières. De même, le Comité des droits de l’homme, dans son Observation générale n° 37, s’est penché sur le seuil d’interdiction de l’expression fondée sur des symboles et des emblèmes susceptibles d’avoir des significations et des interprétations multiples, en déclarant : « D’une manière générale, l’utilisation de drapeaux ou de banderoles et le port d’uniformes ou d’autres signes doivent être perçus comme une forme d’expression légitime qu’il n’y a pas lieu de restreindre, même si ces symboles renvoient à un passé douloureux. Dans des cas exceptionnels, lorsque les symboles arborés sont directement et principalement associés à l’incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, des restrictions appropriées devraient s’appliquer. » (CCPR/C/GC/37, paragraphe 51).

Une minorité des membres du Conseil estime que, bien que ces trois éléments de contenu n’enfreignent pas les politiques de Meta, l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) devrait être présumée constituer une glorification du Hamas, une organisation désignée, et être supprimée à moins qu’il ne soit clair que le contenu utilisant cette expression n’approuve pas le Hamas et ses objectifs. Pour ces membres du Conseil, le contexte a changé de manière significative après le 7 octobre et toute utilisation ambiguë de l’expression devrait être présumée faire référence au Hamas et à ses actions et les approuver. Cette minorité reconnaît que dans ces trois cas, il y a des signes clairs que le contenu ne glorifie pas le Hamas ou les événements du 7 octobre. Le raisonnement de cette minorité est présenté plus en détail dans la section consacrée à l’analyse relative aux droits humains (voir section 5.2).

5.2 Respect des responsabilités de Meta en matière de droits humains

Le Conseil estime que les décisions de Meta de maintenir les trois éléments de contenu étaient conformes à ses responsabilités en matière de droits humains. Le Conseil comprend que le contenu du troisième cas n’est plus sur Facebook, car l’utilisateur qui l’avait publié l’a supprimé de la plateforme.

Liberté d’expression (article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques)

L’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) protège considérablement le droit à la liberté d’expression, y compris le « droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce », notamment le « discours politique » et le commentaire sur les « affaires publiques » (Observation générale n° 34, paragraphe 11). Selon le Comité des droits de l’homme, le champ d’application de ce droit « s’étend même à l’expression qui peut être considérée comme profondément offensante, encore que cette expression puisse être restreinte conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l’article 19 et de l’article 20 » afin de protéger les droits ou la réputation d’autrui ou d’interdire les incitations à la discrimination, aux hostilités ou à la violence (Observation générale n° 34, paragraphe 11). La protection de grande envergure de l’expression des idées politiques s’étend aux assemblées dont le message est politique (PIDCP, article 21 ; (Observation générale n° 37, paragraphes 32 et 49). « Étant donné que les réunions pacifiques ont souvent pour fonction d’être un lieu d’expression, et que le discours politique jouit d’une protection spéciale en tant que forme d’expression, des efforts redoublés devraient être faits pour permettre la tenue des réunions exprimant un message politique, et celles-ci devraient bénéficier d’une protection renforcée. » (Observation générale n° 37, paragraphe 32). Les protestations peuvent être menées en ligne et hors ligne, conjointement ou séparément. L’article 21 s’étend à la protection des activités associées qui surviennent en ligne (paragraphes 6 et 34).

Lorsque des limitations de la liberté d’expression sont imposées par un État, elles doivent remplir des critères de légalité, d’objectif légitime, et de nécessité et de proportionnalité (article 19, paragraphe 3 du PIDCP). Ces exigences sont souvent reprises sous l’intitulé « test tripartite ». Le Conseil s’appuie sur ce cadre afin d’interpréter les responsabilités de Meta en matière de droits humains conformément aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme de l’ONU, que Meta elle-même s’est engagée à respecter dans sa Politique relative aux droits humains. Le Conseil utilise ce cadre à la fois pour la décision relative au contenu individuel en cours d’examen et pour ce que cela dit de l’approche plus large de Meta en matière de gouvernance du contenu. Le Conseil partage l’avis du Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’expression disant que même si « les entreprises ne sont pas soumises aux mêmes devoirs que les gouvernements, leur influence est néanmoins telle qu’elle doit les initier à se poser les mêmes questions qu’eux quant à la protection de la liberté d’expression de leurs utilisateurs » (A/74/486, paragraphe 41).

Comme mentionné dans la section 1, les commentaires publics reflètent des points de vue différents sur la manière dont les standards internationaux en matière de droits humains sur la limitation de l’expression devraient être appliqués à la modération du contenu contenant l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer). Plusieurs commentaires publics soutiennent que les responsabilités de Meta en matière de droits humains imposent la suppression de ce type de contenu (voir ADL PC-29259), étant donné que l’expression peut être associée à des appels extrêmes à l’élimination du peuple juif. D’autres affirment qu’elle devrait être supprimée dans les contextes où sa diffusion est susceptible d’avoir des conséquences néfastes pour les personnes ou les communautés juives – lorsque, par exemple, des éléments suggèrent que son auteur s’identifie au Hamas, ou lorsque l’expression est utilisée en conjonction avec d’autres indices qui évoquent des menaces de violence à l’égard des Israéliens et/ou du peuple juif (voir ACJ PC-29479 et Professeur Shany, Chaire Hersch Lauterpacht en droit international public à l’Université hébraïque, ancien membre et président du Comité des droits de l’homme des Nations unies PC-28895). Plusieurs commentaires publics ont soutenu que rien dans cette expression ne constitue en soi un appel à la violence ou à l’exclusion d’un groupe, et qu’elle n’est pas non plus liée exclusivement à une déclaration exprimant un soutien au Hamas ; au contraire, elle est principalement ancrée dans un discours palestinien pour la libération, la liberté et l’égalité (voir SMEX PC-29396). Certains commentaires publics soutiennent que l’affirmation selon laquelle l’expression, en soi, est porteuse d’une intention de génocide ne repose pas sur des données historiques, mais plutôt sur le racisme et l’islamophobie (voir l’initiative Hearing Palestine PC-28564). D’autres commentaires publics soulignent la responsabilité de Meta de fournir une protection accrue au discours politique, en limitant le contenu utilisant l’expression uniquement dans des contextes spécifiques où la personne qui s’exprime incite à la violence, à la discrimination ou à l’hostilité (voir Human Rights Watch PC-29394).

I. Légalité (clarté et accessibilité des règles)

Le principe de légalité prévoit que les règles qui limitent la liberté d’expression soient accessibles, claires et suffisamment précises pour permettre à un individu d’adapter son comportement en conséquence (observation générale n° 34, paragraphe 25). En outre, ces règles « ne peu[ven]t pas conférer aux personnes chargées de [leur] application un pouvoir illimité de décider de la restriction de la liberté d’expression » et doivent « énoncer des règles suffisamment précises pour permettre aux personnes chargées de leur application d’établir quelles formes d’expression sont légitimement restreintes et quelles formes d’expression le sont indûment » (Ibid). Le Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’expression a déclaré que lorsqu’elles s’appliquent aux acteurs privés, les règles régissant le discours en ligne devaient être claires et précises (A/HRC/38/35, paragraphe 46). Les personnes utilisant les plateformes de Meta doivent pouvoir accéder aux règles et les comprendre, et les équipes d’examen de contenu doivent disposer de conseils clairs sur leur application.

Le Conseil estime que, telles qu’elles ont été appliquées aux trois éléments de contenu de ces cas, les politiques de Meta sont suffisamment claires pour les utilisateurs.

II. Objectif légitime

Par ailleurs, toute restriction de la liberté d’expression doit au minimum répondre à l’un des objectifs légitimes énumérés dans le PIDCP, qui incluent la protection des droits d’autrui. Le Conseil des droits de l’homme a interprété le terme « droits » comme incluant les droits de l’homme tels qu’ils sont reconnus dans le PIDCP et plus généralement dans le droit international en matière de droits de l’homme (Observation générale n° 34, paragraphe 28).

Dans le cadre de plusieurs décisions, le Conseil a reconnu que la politique de Meta en matière de discours haineux poursuit l’objectif légitime de protéger les droits d’autrui. Meta déclare qu’elle n’autorise pas les discours haineux, car ils « créent une atmosphère d’intimidation et d’exclusion et peuvent aboutir à des violences dans le monde réel ». Elle protège le droit à la vie (article 6, paragraphe 1 du PIDCP) ainsi que les droits à l’égalité et à la non-discrimination, y compris sur la base de l’origine ethnique et de l’origine nationale (article 2, paragraphe 1 du PIDCP ; article 2 du CIEDR). À l’inverse, le Conseil a fait remarquer à plusieurs reprises qu’il n’est pas légitime de chercher à restreindre la liberté d’expression aux seules fins de protéger les individus contre les offenses (cf. paragraphe 24 du rapport A/74/486 du Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’expression dans la décision Représentation de Zwarte Piet), étant donné l’importance particulière qui est accordée à l’expression sans entraves par les lois internationales en matière des droits humains (observation générale n° 34, paragraphe 38).

La politique relative à la violence et à l’incitation a pour objectif d’« empêcher tout risque de violence hors ligne » en supprimant le contenu qui implique des « discours violents ciblant une personne ou un groupe de personnes du fait de leur(s) caractéristique(s) protégée(s) » et « représente un réel risque de préjudice physique ou une atteinte directe à la sécurité publique ». Comme déjà conclu dans la décision relative aux crimes présumés de Raya Kobo, cette politique sert l’objectif légitime de protéger les droits d’autrui, tels que les droits à la vie (article 6 du PIDCP).

La politique de Meta relative aux organismes et individus dangereux vise à « prévenir et arrêter les dommages dans le monde réel ». Dans le cadre de plusieurs décisions, le Conseil a estimé que cette politique contribuait à l’objectif légitime de protection des droits d’autrui, tels que le droit à la vie (PIDCP, article 6) et le droit à la non-discrimination et à l’égalité (PIDCP, articles 2 et 26), car elle traite des organisations qui encouragent la haine, la violence et la discrimination, ainsi que des événements violents motivés par la haine (voir les décisions Vidéo d’un prisonnier des Forces de soutien rapide au Soudan et Campagne électorale 2023 en Grèce).

III. Nécessité et proportionnalité

Conformément à l’article 19(3) du PIDCP, le principe de nécessité et de proportionnalité requiert que les restrictions de la liberté d’expression soient « appropriées pour remplir leur fonction de protection, elles doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché et elles doivent être proportionnées à l’intérêt à protéger » (Observation générale n° 34, paragraphe 34).

Le Conseil souligne aussi que Meta a la responsabilité d’identifier, de prévenir, d’atténuer et de rendre compte des répercussions indésirables sur les droits humains, d’appliquer la diligence raisonnable pour évaluer les répercussions des activités de l’entreprise (principe 17 des PDNU) et de reconnaître que le risque de préjudices aux droits humains, y compris l’augmentation du danger pour les minorités vulnérables devant faire face à l’hostilité et à l’incitation, est accru pendant les conflits (principe 7 des PDNU, A/75/212 paragraphe 13). Le Conseil a souligné à plusieurs reprises la nécessité d’élaborer un cadre transparent et fondé sur des principes pour la modération des discours haineux en période de crise et dans les contextes de conflit (voir les décisions Même aux deux boutons, Vidéo d’un poste de police haïtien et Bureau des affaires de communication du Tigré). Même si Meta doit impérativement essayer d’empêcher que ses plateformes servent à intimider, encourager les actes de terrorisme, ce qui représente un objectif légitime de ses politiques de modération de contenu, les responsabilités de Meta en matière de droits humains exigent que les restrictions imposées à la liberté d’expression soient nécessaires et proportionnées, notamment pour que les personnes vivant dans des communautés touchées par la violence puissent d’exprimer librement. C’est précisément lors de conflits qui évoluent rapidement que les grandes entreprises de réseaux sociaux doivent consacrer les ressources nécessaires pour veiller à ce que la liberté d’expression ne soit pas inutilement restreinte, surtout dans les régions où le risque de préjudice est très élevé. Le Conseil souligne également que donner aux chercheurs un accès aux données de la plateforme et en investissant des ressources supplémentaires dans le développement de la recherche interne permettrait à Meta de mieux comprendre les corrélations entre le comportement en ligne et les préjudices hors ligne. L’entreprise serait ainsi mieux à même d’honorer ses responsabilités de protection des droits humains, conformément aux PDNU.

La majorité des membres du Conseil estime que maintenir le contenu dans les trois cas est conforme au principe de nécessité, soulignant l’importance d’évaluer un tel contenu dans son contexte particulier. S’il est indéniable que, dans certains cas, l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) est utilisée dans le but d’appeler à la violence ou à l’exclusion, ou de soutenir le Hamas et ses actes violents, compte tenu de la diversité des utilisations de cette expression, en particulier dans le cadre d’un discours politique protégé, elle ne peut à elle seule être comprise, indépendamment du contexte, comme un appel à la violence, à l’intimidation ou à l’exclusion.

Pour son analyse, le Conseil s’est appuyé sur les six facteurs du Plan d’action de Rabat (contexte de la déclaration, position ou statut de l’orateur, intention d’inciter, contenu et forme du discours, ampleur de diffusion, probabilité de préjudice) pour évaluer la capacité des éléments de contenu de ces cas et de l’expression isolée « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) à créer un risque grave d’incitation à la discrimination, à la violence ou à d’autres actions illégales. Les facteurs de Rabat ont été élaborés pour déterminer si l’appel à la haine nationale, raciale ou religieuse constitue une incitation à des actes préjudiciables, et le Conseil les a déjà utilisés de cette manière (décision du Dessin animé de Knin).

Contexte

Dans ces trois cas, le contenu, ainsi que l’adoption plus générale de l’expression, est une réaction au conflit en cours dont les conséquences régionales et mondiales sont importantes. Les trois éléments de contenu avaient été publiés peu après les attentats du 7 octobre et alors que les offensives terrestres d’Israël étaient en cours à Gaza.

Les trois éléments de contenu indiquent que les utilisateurs réagissent à la souffrance des Palestiniens ou tentent d’attirer l’attention à ce sujet et/ou condamnent les actions militaires d’Israël. Les répercussions importantes des actions militaires israéliennes à Gaza, ainsi que les doutes quant à leur légitimité, sont au cœur du débat public et des discussions, tout comme les processus légaux devant la Cour internationale de justice et le Tribunal pénal international. Des individus et groupes du monde entier sont susceptibles d’avoir une influence sur cette discussion, localement et mondialement. À l’heure actuelle, dans une déclaration commune, les rapporteurs spéciaux des Nations unies dans le domaine des droits culturels, du droit à l’éducation, des droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, et de la protection et de la promotion de la liberté d’opinion et d’expression, ont déclaré que « les appels à la cessation de la violence et des attaques contre Gaza, ou à un cessez-le-feu humanitaire, ou les critiques des politiques et des actions du gouvernement israélien ont été, dans de trop nombreux contextes, assimilés à tort à un soutien au terrorisme ou à l’antisémitisme. Cela étouffe la liberté d’expression, y compris l’expression artistique, et instaure une atmosphère de peur de participer à la vie publique. »

De manière plus générale, l’expression et la manière dont elle est interprétée sont fortement influencées par la nature évolutive du conflit et le contexte plus large dans la région, ainsi qu’à l’échelle mondiale. Ce contexte comprend l’augmentation de l’utilisation de l’expression à la fois pour soutenir, approuver ou cautionner le Hamas et ses actes violents, et son utilisation pour soutenir la lutte des Palestiniens pour l’autodétermination et l’égalité des droits, ainsi que pour accompagner les appels au cessez-le-feu. Le contexte comprend également une augmentation considérable de la rhétorique dangereuse, déshumanisante et discriminatoire visant les Arabes, les Israéliens, les juifs, les musulmans et les Palestiniens.

Comme indiqué dans les commentaires publics, il arrive que des personnes utilisent l’expression en combinaison avec des appels antisémites, des menaces de violence ou des expressions de soutien au Hamas, ou justifient les attentats du 7 octobre, lorsqu’elle est accompagnée de déclarations appelant à la violence ou à l’exclusion, comme « by all means necessary » (par tous les moyens nécessaires) ou « go back to Poland » (retournez en Pologne) (voir commentaire public, PC-28895), ou avec d’autres signaux de violence, comme l’image d’un parapente qui rappelle les auteurs des attentats du 7 octobre (voir AJC PC-29354). La majorité des membres du Conseil observe que la suppression de contenu en infraction pourrait être conforme aux Standards de la communauté de Meta et aux responsabilités en matière de droits humains dans les cas où le contexte indique qu’il s’agit d’un appel à la violence ou à l’exclusion. Toutefois, la suppression ne dépendrait pas de l’expression elle-même, mais plutôt des éléments contextuels et d’autres éléments présents dans la publication contenant l’expression. Au vu des différentes significations et utilisations de l’expression, il est essentiel d’évaluer le contexte et d’identifier les risques spécifiques pouvant être engendrés par le contenu publié sur les plateformes de Meta, et ce comme un ensemble. Néanmoins, comme cette expression n’a pas une signification unique, une interdiction générale des contenus reprenant cette expression, une règle par défaut de suppression de ces contenus, ou même l’utilisation de cette expression comme signal pour déclencher l’application ou l’examen, entraverait de manière inacceptable la liberté d’expression politique protégée. Comme l’indiquent plusieurs commentaires publics, étant donné que la signification et l’utilisation de cette expression dépendent fortement du contexte et que l’automatisation rencontre des problèmes bien documentés pour effectuer l’analyse nécessaire à la compréhension du contexte, le recours à des outils automatisés pour modérer les contenus utilisant cette expression « conduirait inévitablement à une surcensure des contenus portant sur des questions d’intérêt public dans un conflit armé en cours » (voir les commentaires publics : Human Rights Watch PC-29394, Integrity Institute PC-29544, et le briefing d’Article 19). Ce constat est particulièrement pertinent dans le contexte du conflit Israël-Gaza, au cours duquel, comme le Conseil l’a déjà indiqué dans les décisions Otages enlevés en Israël et Hôpital Al-Shifa Meta a mis en place plusieurs mesures temporaires, y compris une réduction des seuils de confiance pour identifier et supprimer le contenu, ce qui a augmenté la suppression automatisée du contenu en cas de score de confiance plus faible pour les contenus enfreignant les politiques de Meta. En d’autres termes, Meta a utilisé ses outils automatisés de manière plus agressive pour supprimer les contenus susceptibles d’enfreindre ses politiques.

Le Conseil souligne également la prévalence de l’expression dans les manifestations pro-Palestine, aussi bien en ligne qu’hors ligne partout dans le monde. Le Conseil a connaissance d’exemples de manifestants prônant la violence ou faisant l’éloge du Hamas. Toutefois, selon le Comité des droits de l’homme, en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme, il existe une présomption permettant de considérer les rassemblements comme étant pacifiques (Observation générale n° 37, CCPR/C/GC/37, paragraphes 15 à 17) et les infractions commises par certains participants n’ont pas de répercussions sur les droits des autres. Dans son rapport, le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association souligne l’importance d’un exercice sûr et efficace de ces droits, car ils permettent d’assurer « l’équilibre des pouvoirs » et de « surmonter les inégalités » si spécifiques aux situations de conflit. Exercer les droits de réunion et d’association est « souvent la seule option dont disposent les personnes vivant dans des situations d’après-conflit ou des contextes fragiles pour faire entendre leur voix. Ils constituent également un moyen important pour les femmes, les victimes, les jeunes et les groupes marginalisés, qui sont souvent exclus de ces processus, d’exprimer leurs doléances et leurs préoccupations [et]... de porter les revendications locales à l’attention des architectes de la paix et de la communauté internationale, qui, s’ils les prennent en compte, peuvent aider à éliminer les causes profondes des conflits ou à empêcher leur aggravation ou leur résurgence. » A/78/246, paragraphes 2 à 4)

Identité de l’intervenant

Rien n’indique que les utilisateurs qui ont publié le contenu dans ces trois cas, ou les pages sur lesquelles les publications ont été partagées dans les deuxième et troisième cas, sont associés à des organismes désignés, tels que le Hamas, ou à la discrimination et à l’exclusion, ni qu’ils les soutiennent. Dans son commentaire public, le professeur Yuval Shany, par exemple, identifie « le fait que l’auteur de l’expression s’identifie ou non au Hamas ou soutienne des actes violents commis par le Hamas » (PC-28895) comme un indicateur pertinent dans le cadre de l’analyse de Rabat.

Intention, contenu et forme d’expression

Comme expliqué plus en détail dans la section 5.1, bien que l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) puisse être utilisée de diverses manières, le Conseil estime que les trois éléments de contenu examinés ne montrent pas d’intention d’inciter à la discrimination ou à la violence, de prôner l’exclusion d’un groupe particulier, ou de soutenir des entités désignées ou leurs actions.

L’expression, proche d’un slogan, s’est répandue très rapidement et a servi de base aux utilisateurs pour réagir aux attentats terroristes du 7 octobre et aux opérations militaires d’Israël à Gaza, selon des significations et des intentions différentes. Comme indiqué précédemment, selon les recherches commandées par le Conseil, l’utilisation de l’expression sur les plateformes de Meta a connu une forte hausse après le 7 octobre, les hausses les plus importantes ayant eu lieu en janvier et mars 2024 sur Facebook et en novembre 2023 sur Instagram. Cette dernière a eu lieu au même moment que la frappe des FDI sur l’hôpital Al-Shifa et la crise humanitaire grandissante à Gaza. Les experts ont constaté que Meta semble supprimer le contenu qui comprend l’expression lorsqu’il est accompagné de signaux explicites de violence et/ou de discrimination. La recherche commandée repose sur CrowdTangle, qui n’inclut pas tout le contenu des plateformes de Meta ni le contenu qui a été supprimé par Meta. La recherche indique que, concernant le contenu laissé sur les plateformes de Meta, l’expression est généralement utilisée dans des publications sensibilisant à aux conséquences de la guerre sur les Palestiniens, appelant à un cessez-le-feu ou plaidant en faveur des droits des Palestiniens. Néanmoins, comme indiqué précédemment, Meta n’a pas fourni de données sur les contenus contenant l’expression qui ont été supprimés en raison d’autres infractions à ses politiques, et n’a pas non plus réalisé de recherche complète de données sur les plateformes « sur la prévalence et l’utilisation de l’expression ». Le Conseil reconnaît que l’expression a été et continue d’être utilisée dans certains contextes pour appeler à l’exclusion ou à la violence et qu’elle peut être utilisée de cette manière sur les plateformes de Meta. Cependant, le Conseil aurait besoin de plus de données pour évaluer la nature et la prévalence du contenu qui a été supprimé des plateformes de Meta.

Probabilité, imminence et couverture

Après une analyse globale, le Conseil estime qu’aucun des éléments de contenu de ces trois cas spécifiques ne présente une probabilité ou un risque de violence ou de discrimination imminente. Comme indiqué précédemment, en raison de ses multiples significations et des intentions variées dans son utilisation, la majorité des membres du Conseil estime que l’expression elle-même ne peut être comprise, dans tous les cas ou par défaut, et quel que soit le contexte, comme préjudiciable, violente ou discriminatoire.

Bien que le Conseil reconnaisse que l’expression « From the River to the Sea » (De la rivière à la mer) peut être utilisée conjointement à un langage menaçant à l’encontre d’une personne ou d’un groupe juif ou israélien, ou à des menaces plus générales de violenceou de célébration des événements du 7 octobre (voir le commentaire public AJC PC-29354), et qu’il est impératif que Meta empêche ces utilisations sur ses plateformes, ses responsabilités en matière de droits humains exigent que dans sa réponse à ces menaces, l’entreprise respecte tous les droits humains, y compris la parole des personnes dans les communautés touchées par la violence. Le Conseil estime qu’il existe également un risque important lié à la suppression d’un contenu contenant l’expression lorsque ce contenu vise à sensibiliser à la souffrance des habitants de Gaza et à la déshumanisation des Palestiniens au cours d’une campagne militaire en cours. Comme indiqué dans un commentaire public, les plateformes de Meta font partie des outils les plus importants pour les Palestiniens pour documenter les événements survenant sur le terrain, et pour rechercher le soutien de la communauté internationale afin de tenir l’armée et le gouvernement israéliens responsables, et d’exiger l’arrêt de la violence (voir le commentaire public de l’initiative Hearing Palestine PC-28564). Les plateformes de Meta sont également des vecteurs essentiels pour sensibiliser et mobiliser la communauté internationale à la montée de l’antisémitisme et de l’islamophobie. Les plateformes permettent de renforcer la solidarité, d’apporter un soutien à des individus et des groupes ciblés, de sensibiliser au sectarisme, de contrer la désinformation et d’éduquer. Il est essentiel que ces fonctions clés des réseaux sociaux puissent être exercées dans un environnement où les personnes se sentent en sécurité et respectées. Il est essentiel de faire respecter les politiques de Meta en matière de contenu et de poursuivre l’examen de l’évolution du langage haineux et de la relation entre les réseaux sociaux et les préjudices hors ligne.

La couverture des premier et troisième éléments de contenu était faible, alors que la publication dans le deuxième cas a été vue environ 8 millions de fois. Toutefois, la couverture du contenu n’est pas un facteur indiquant que la suppression est nécessaire lorsque le risque de préjudice n’est pas clair.

Une minorité des membres du Conseil estime toutefois que le contexte après les attentats du 7 octobre modifie considérablement l’analyse fondée sur les six facteurs de Rabat et que la signification de l’expression doit être déterminée en tenant compte de ce contexte. Bien que l’histoire et les différentes utilisations de l’expression soient pertinentes, le fait qu’elle soit utilisée pour décrire le programme violent d’une organisation désignée, qui figure sur les listes de terroristes de plusieurs pays, signifie que les connotations de l’expression et les risques liés à son utilisation ont changé (contexte). Pour ces membres du Conseil, après le 7 octobre, l’ambiguïté historique ne s’applique plus, et ne pas tenir compte de cette nouvelle réalité est déraisonnable et ne tient pas compte du fait que l’expression peut servir de soutien codé envers une entité désignée et une idéologie haineuse qui présente un risque de préjudice.

Cette minorité des membres du Conseil estime que Meta devrait adopter une règle par défaut supposant que l’expression constitue une glorification d’une organisation désignée, sauf en présence de signaux clairs permettant de déterminer que l’utilisateur ne soutient pas le Hamas ni les attentats du 7 octobre. Meta devrait donc fournir des directives à ses modérateurs de contenu quant aux signaux des utilisations non violentes de l’expression à exclure de cette règle par défaut. Pour cette minorité, adopter cette approche permettrait à Meta de respecter la liberté d’expression des utilisateurs qui cherchent à manifester leur solidarité avec les Palestiniens et à appeler à des objectifs politiques spécifiques, y compris l’égalité des droits de toutes les personnes en Israël et dans les territoires palestiniens, tout en tenant compte du risque actuel de violence lié à l’utilisation de l’expression dans différents environnements locaux.

Pour les raisons susmentionnées, la majorité des membres du Conseil n’est pas d’accord avec cette approche, étant donné que l’expression, qui existait avant la création du Hamas, ne revêt pas une signification, une intention ou une interprétation unique. Ces membres soulignent de plus l’avis du Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, qui a mis en garde contre les risques de délégitimation de la société civile en la qualifiant vaguement de « terroriste », [ce qui accroît] la vulnérabilité de tous les acteurs de la société civile et contribue à donner l’impression qu’ils sont des cibles légitimes d’abus de la part d’acteurs étatiques et non étatiques (A/HRC/40/52, paragraphe 54). Consultez à ce sujet le contenu du résumé de la décision Commentaires déshumanisants sur les habitants de Gaza. Une autre minorité des membres du Conseil est fermement convaincue qu’attirer l’attention sur l’invocation d’une expression qui a été adoptée par un groupe terroriste ne doit pas être considéré comme signifiant que les personnes qui publient ce type de contenu sont elles-mêmes qualifiées de terroristes. Cette minorité estime qu’en statuant sur le contenu en ligne, la provenance et la signification des expressions doivent faire l’objet d’une analyse et d’une interprétation ; une telle analyse ne doit pas être confondue avec des efforts visant à délégitimer les acteurs de la société civile.

Enfin, le Conseil reconnaît que Meta a conçu un ensemble de politiques pour faire face aux risques liés au contenu discriminatoire en ligne. La preuve du préjudice causé par la diffusion massive et rapide de contenu antisémite et de tout autre contenu préjudiciable sur les plateformes de Meta, comme indiqué dans la décision relative au déni de l’Holocauste, exige que Meta dispose d’outils et de mesures de mise en application adéquats pour modérer ce type de contenu sans restreindre indûment l’expression politique sur des questions d’intérêt public, conformément aux responsabilités qui lui incombent en matière de droits humains. En outre, si elles sont appliquées de manière adéquate, les politiques de Meta fournissent des protections significatives dont les objectifs sont la prévention de la violence et d’autres préjudices résultant de l’utilisation des plateformes de Meta par les terroristes et leurs sympathisants. À cet égard, en réponse à la recommandation n° 5 du Conseil dans le cas de la Mention des talibans dans les informations d’actualité Meta a déclaré vouloir développer de nouveaux outils qui lui permettraient de « recueillir des détails plus précis sur l’application de l’allocation au titre de la politique de reportage [sur les organismes et individus dangereux] ». Comme le Conseil l’a déjà recommandé, cette mesure devrait également être étendue à la mise en application de la politique relative au discours haineux (décision sur le déni de l’Holocauste, recommandation n° 1), ainsi qu’à la politique relative à la violence et à l’incitation (décision sur les publications des États-Unis abordant l’avortement, recommandation n° 1).

Accès aux données

Le Conseil et les parties prenantes externes seront mieux à même d’évaluer la nécessité et la proportionnalité des décisions de modération de contenu de Meta pendant les conflits armés en cours, si Meta continue de fournir au Conseil et aux chercheurs indépendants un accès aux données de la plateforme. En mars 2024, Meta a annoncé la fermeture de CrowdTangle le 14 août 2024 L’entreprise a expliqué qu’elle concentrerait ses ressources sur « de nouveaux outils de recherche, la Bibliothèque de contenu Meta et l’API Bibliothèque de contenu ». Bien que le Conseil félicite Meta d’avoir développé de nouveaux outils de recherche et de s’efforcer de fournir des fonctionnalités plus étendues, le Conseil est préoccupé par la décision de l’entreprise de fermer CrowdTangle avant que ces nouveaux outils ne puissent le remplacer de manière efficace. Selon une lettre ouverte envoyée par plusieurs organisations à Meta, demandant instamment à l’entreprise de ne pas fermer CrowdTangle « au cours d’une année électorale clé », des préoccupations importantes existent quant à la capacité de la Bibliothèque de contenu de Meta à fournir un accès suffisant aux données pour un contrôle indépendant. La Commission européenne a ouvert une procédure formelle en vertu de la loi sur les services numériques à l’encontre de Facebook et d’Instagram pour la décision de fermer son « outil d’information publique en temps réel CrowdTangle sans remplacement adéquat ». Le Conseil se fait l’écho des préoccupations exprimées par ces organisations, ces personnes et la Commission européenne concernant la décision de Meta de fermer CrowdTangle au cours d’une année électorale clé sans remplacement adéquat.

Le Conseil note que même avec CrowdTangle, le Conseil et le public sont limités dans leur capacité à évaluer efficacement l’ampleur de la montée en puissance du contenu antisémite, antimusulman ou raciste et de tout autre contenu haineux sur les plateformes de Meta, ainsi que le lieu et le moment où cette montée en puissance peut être la plus importante. Les rapports de transparence de Meta ne sont pas suffisamment détaillés pour évaluer l’ampleur et la nature du contenu haineux sur ses plateformes. L’une des recommandations (n° 16) formulées par BSR dans son rapport sur la diligence raisonnable en matière de droits humains, qui a été commandé en réponse à la recommandation précédente du Conseil dans la décision relative à la publication partagée d’Al Jazeera était que l’entreprise développe un mécanisme permettant de suivre la prévalence du contenu attaquant les personnes sur la base de caractéristiques protégées spécifiques (par exemple, le contenu antisémite, islamophobe ou homophobe). En septembre 2023, un an après la publication du rapport de BSR, Meta a déclaré être toujours en train d’évaluer la faisabilité de cette recommandation. Le Conseil exhorte Meta à mettre pleinement en application cette recommandation dans les plus brefs délais.

6. Décision du Conseil de surveillance

Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta de conserver le contenu dans les trois cas.

7. Recommandations

Transparence

1. Meta doit s’assurer que les chercheurs qualifiés, les organisations de la société civile et les journalistes qui avaient accès à CrowdTangle soient intégrés à la nouvelle Bibliothèque de contenu de l’entreprise dans les trois semaines après l’envoi de leur candidature.

Le Conseil considérera que cette mesure est mise en application lorsque Meta lui fournira une liste complète des chercheurs et des organisations qui avaient auparavant accès à CrowdTangle, ainsi que le délai nécessaire pour les intégrer à la Bibliothèque de contenu Meta, qui devrait être de trois semaines ou moins pour au moins 75 % d’entre eux.

2. Meta doit s’assurer que la Bibliothèque de contenu Meta remplace efficacement CrowdTangle et fournisse un accès à des fonctionnalités et aux données équivalent ou supérieur.

Le Conseil considérera que cette mesure est mise en application lorsqu’une enquête menée auprès d’un échantillon représentatif de chercheurs, d’organisations de la société civile et de journalistes inscrits montrera qu’au moins 75 % d’entre eux estiment pouvoir raisonnablement poursuivre, reproduire ou mener de nouvelles recherches d’intérêt public en utilisant la Bibliothèque de contenu Meta. Cette enquête devrait être menée de manière longitudinale si nécessaire, et les résultats de sa première version devraient être communiqués au Conseil au plus tard au premier trimestre 2025.

3. Meta doit mettre en application la recommandation n° 16 du rapport de BSR sur la diligence raisonnable en matière de droits humains concernant l’influence de Meta en Israël et en Palestine, afin de mettre en œuvre un mécanisme de suivi de la prévalence du contenu qui attaque les individus sur la base de caractéristiques protégées spécifiques (par exemple, le contenu antisémite, islamophobe ou homophobe).

Le Conseil considérera que cette recommandation est mise en application lorsque Meta publiera les résultats de sa première évaluation de ces paramètres et s’engagera publiquement sur la manière dont l’entreprise continuera à suivre et à exploiter ces résultats.

* Note de procédure :

  • Les décisions du Conseil de surveillance sont prises par des panels de cinq membres et approuvées par une majorité du Conseil dans son ensemble. Les décisions du Conseil ne représentent pas nécessairement les opinions de tous les membres.
  • En vertu de sa Charte, le Conseil de surveillance est habilité à examiner les appels déposés par les utilisateurs dont le contenu a été supprimé par Meta, les appels déposés par les utilisateurs ayant signalé un contenu que Meta n’a finalement pas supprimé, et les décisions que Meta lui transmet (article 2, section 1 de la Charte). Le Conseil dispose d’une autorité contraignante pour confirmer ou annuler les décisions de Meta relatives au contenu (article 3, section 5 de la Charte ; article 4 de la Charte). Le Conseil est habilité à émettre des recommandations non contraignantes auxquelles Meta doit répondre (article 3, section 4 de la Charte ; article 4 de la Charte). Lorsque Meta s’engage à donner suite aux recommandations, le Conseil surveille leur mise en œuvre.
  • Pour la décision sur ce cas, des recherches indépendantes ont été commandées au nom du Conseil. Le Conseil a bénéficié de l’aide de Duco Advisors, une société de conseil spécialisée dans la géopolitique, la confiance et la sécurité, ainsi que la technologie. Memetica, un groupe d’investigations numériques fournissant des services de conseil en matière de risques et de renseignements sur les menaces pour atténuer les préjudices en ligne, a également fourni des recherches. L’entreprise Lionbridge Technologies, LLC, dont les spécialistes parlent couramment 350 langues et travaillent dans 5000 villes du monde entier, a fourni son expertise linguistique.

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