Renversé

Breuvage à base d’ayahuasca

Le Conseil de surveillance a annulé la décision de Meta de supprimer une publication discutant de l’ayahuasca, une infusion à base de plantes.

Type de décision

Standard

Politiques et sujets

Sujet
Évènements culturels, Religion, Santé
Norme communautaire
Produits réglementés

Régions/Pays

Emplacement
Brésil

Plate-forme

Plate-forme
Instagram

Résumé du cas

Remarque : Le 28 octobre 2021, il a été annoncé que le groupe Facebook s’appellerait désormais Meta. Dans ce texte, Meta fait référence au groupe, et Facebook continue de faire référence au produit et aux politiques liées à l’application spécifique.

Le Conseil de surveillance a annulé la décision de Meta de supprimer une publication discutant de l’ayahuasca, une infusion à base de plantes. Le Conseil a estimé que la publication ne violait pas les Règles de la communauté d’Instagram telles qu’elles étaient formulées à l’époque. Les responsabilités de Meta en matière de droits de l’homme justifiaient également le rétablissement du contenu. La Conseil a recommandé à Meta de modifier ses règles pour permettre aux utilisateurs de discuter de manière positive des utilisations traditionnelles ou religieuses de drogues à usage non médical.

À propos du cas

Au mois de juillet 2021, le compte Instagram d’une école spirituelle située au Brésil a publié la photo d’un pot et de deux bouteilles contenant un liquide marron foncé. Il s’agissait, selon le texte en portugais qui accompagnait la photo, d’ayahuasca. L’ayahuasca est un breuvage à base de plantes aux propriétés hallucinogènes, utilisé à des fins religieuses et cérémoniales, y compris dans différents groupes indigènes d’Amérique du Sud. Le texte affirme que « AYAHUASCA IS FOR THOSE WHO HAVE THE COURAGE TO FACE THEMSELVES » (L’AYAHUASCA EST POUR CEUX QUI ONT LE COURAGE DE SE FAIRE FACE) et comprend des déclarations selon lesquelles l’ayahuasca est pour ceux qui veulent « [to] correct themselves » (se corriger), « [to] enlighten » (s’éclairer), « [to] overcome fear » (surmonter la peur) et « [to] break free » (se libérer).

La publication a été signalée en vue d’un examen par les systèmes automatisés de Meta parce qu’elle comptait environ 4000 vues et était populaire. Elle a ensuite été examinée par un modérateur humain et supprimée.

Principales observations

Meta a déclaré au Conseil avoir retiré la publication parce qu’elle encourageait l’utilisation de l’ayahuasca, une drogue à usage non médical. La société a déclaré que « l’utilisateur décrivait l’ayahuasca avec un émoji cœur, l’appelait "médicament" et affirmait qu’elle "pouvait vous aider" ».

Le Conseil détermine que, bien que le contenu enfreigne les Règles de la communauté sur les marchandises réglementées de Facebook qui interdit les contenus parlant positivement de l’utilisation de drogues à usage non médical, il n’enfreint pas les Règles de la communauté d’Instagram qui, à ce moment, ne couvraient que la vente et l’achat de drogue et médicaments.

Les responsabilités internationales de Meta en matière de droits de l’homme soutiennent la décision du Conseil de restaurer le contenu. Le Conseil est préoccupé par le fait que le groupe continue d’appliquer les Standards de la communauté de Facebook sur Instagram sans en informer les utilisateurs de manière transparente. Le Conseil ne comprend pas pourquoi Meta ne peut pas immédiatement mettre à jour le langage des Règles de la communauté d’Instagram pour en informer les utilisateurs. Dans ce cas, Meta n’a pas non plus indiqué à l’utilisateur la partie de ses règles qu’il avait enfreinte.

Le Conseil n’est pas non plus d’accord avec l’affirmation de Meta selon laquelle l’interdiction des commentaires positifs sur l’ayahuasca était nécessaire dans ce cas pour protéger la santé publique. La publication, qui traitait principalement de l’utilisation de l’ayahuasca dans un contexte religieux, n’était pas étroitement liée à la possibilité d’un préjudice. L’utilisateur n’a pas publié d’instructions pour l’utilisation de l’ayahuasca ni d’informations sur sa disponibilité.

En vue de respecter différentes pratiques traditionnelles et religieuses, le Conseil recommande que Meta modifie ses règles sur les produits réglementés afin de permettre une discussion positive sur les usages traditionnels ou religieux des drogues à usage non médical qui ont un usage traditionnel ou religieux reconnu.

Décision du Conseil de surveillance

Le Conseil annule la décision de Meta de supprimer le contenu et demande que la publication soit restaurée.

En guise d’avis consultatif en matière de politiques, le Conseil recommande à Meta de :

  • Expliquer aux utilisateurs qu’elle applique les Standards de la communauté de Facebook sur Instagram, avec plusieurs exceptions spécifiques. Meta devrait mettre à jour l’introduction aux directives communautaires d’Instagram dans les 90 jours pour informer les utilisateurs que si un contenu est considéré comme contraire à la loi sur Facebook, il l’est également sur Instagram.
  • Expliquer aux utilisateurs quelle règle précise de la politique de contenu ils ont enfreinte.
  • Modifier les Règles de la communauté sur Instagram et le standard de la communauté de Facebook sur les marchandises réglementées pour permettre des discussions positives sur les utilisations traditionnelles ou religieuses des drogues à usage non médical quand il existe des preuves historiques d’une telle utilisation. Meta devrait également rendre publiques toutes les autorisations, y compris les autorisations existantes.

*Les résumés de cas fournissent une présentation du cas et n’ont pas valeur de précédent.

Décision complète sur le cas

1. Résumé de la décision

Le Conseil de surveillance annule la décision de Meta de supprimer une publication Instagram discutant de l’ayahuasca dans le contexte d’un usage religieux ou traditionnel. Le Conseil conclut que, bien que le contenu enfreint les Standards de la communauté Facebook et les Règles de la communauté mises à jour d’Instagram, les valeurs déclarées des plateformes et les principes internationaux en matière de droits de l’homme soutiennent le rétablissement du contenu. Le Conseil recommande également qu’Instagram et Facebook ajustent les politiques pertinentes pour permettre une discussion positive sur les utilisations religieuses ou traditionnelles de drogues à usage non médical lorsqu’il existe des preuves historiques d’une telle utilisation.

2. Description du cas

Au mois de juillet 2021, le compte Instagram d’une école spirituelle située au Brésil a publié la photo d’un pot et de deux bouteilles contenant un liquide marron foncé. Il s’agissait, selon le texte en portugais qui accompagnait la photo, d’ayahuasca. L’ayahuasca est une infusion à base de plantes aux propriétés hallucinogènes, utilisées à des fins religieuses et cérémoniales profondément enracinées parmi les groupes indigènes et autres dans certains pays d’Amérique du Sud, et les communautés apparentées ailleurs. L’ayahuasca contient des plantes qui sont des sources de diméthyltryptamine (DMT), une substance interdite en vertu de l’annexe I de la Convention des Nations Unies de 1971 sur les substances psychotropes et de la loi de nombreux pays, bien qu’il existe des exceptions pertinentes en vertu de la loi internationale pour les substances contenant du DMT comme l’ayahuasca, et des exceptions en vertu de certaines lois nationales, y compris au Brésil, pour d’autres fins comme l’utilisation religieuse et indigène.

Le texte affirme que « AYAHUASCA IS FOR THOSE WHO HAVE THE COURAGE TO FACE THEMSELVES » (L’AYAHUASCA EST POUR CEUX QUI ONT LE COURAGE DE SE FAIRE FACE) et comprend des déclarations selon lesquelles l’ayahuasca est pour ceux qui veulent « [to] correct themselves » (se corriger), « [to] enlighten » (s’éclairer), « [to] overcome fear » (surmonter la peur) et « [to] break free » (se libérer). Par ailleurs, le texte indique que l’ayahuasca est un « remedy » (remède) et « can help you » (peut vous aider), si vous faites preuve d’humilité et de respect. Il se termine par la phrase « Ayahuasca, Ayahuasca!/Gratitude, Queen of the Forest ! » (Ayahuasca, Ayahuasca !/Gratitude envers la reine de la forêt !)

Le contenu a été vu plus de 15 500 fois et aucun utilisateur ne l’a signalé. La publication a été signalée en vue d’un examen par les systèmes automatisés de Meta parce qu’elle comptait environ 4000 vues et était populaire. Meta a spécifié que ni l’image ni le texte ne déclenchaient de révision automatique. La publication a ensuite été examinée par un modérateur humain et supprimée. Meta a indiqué au Conseil qu’elle avait été retirée pour avoir enfreint le standard de la communauté de Facebook sur les marchandises réglementées, mais a déclaré plus tard qu’elle avait retiré le contenu pour avoir « enfreint les Règles de la communauté d’Instagram, qui comprennent un lien vers le standard de la communauté de Facebook sur les marchandises réglementées ». Meta a notifié à l’utilisateur que la publication allait à l’encontre des Règles de la communauté d’Instagram, en indiquant « publication retirée pour vente de biens illégaux ou réglementés ». Le message indiquait également que Meta supprimait les « publications faisant la promotion de la consommation de drogues dures ».

Après un autre examen humain du contenu, Meta a confirmé sa décision initiale de supprimer le contenu. Meta a notifié sa décision à l’utilisateur, qui a ensuite fait appel auprès du Conseil de surveillance.

3. Autorité et champ d’application

Selon sa charte, le Conseil de surveillance est un organe indépendant conçu pour protéger la liberté d’expression en prenant des décisions indépendantes et fondées sur des principes concernant des éléments de contenu importants. Elle fonctionne de manière transparente, en exerçant un jugement neutre et indépendant et en rendant des décisions de manière impartiale. Le Conseil jouit de l’autorité nécessaire pour examiner la décision de Meta à la suite d’un appel interjeté par l’utilisateur dont la publication a été supprimée (article 2, section 1 de la Charte ; article 3, section 1 des Statuts). Le Conseil peut confirmer ou annuler cette décision, et ce de manière contraignante pour Meta (article 4 de la Charte).

Les décisions du Conseil peuvent inclure des avis consultatifs sur la politique ainsi que des recommandations. Ces recommandations ne sont pas contraignantes, mais Meta est tenue d’y répondre (article 3, section 4 de la Charte).

4. Standards pertinents

Le Conseil de surveillance a pris les éléments suivants en considération dans sa décision :

I. Règles de Meta relatives au contenu

Ce cas implique les Règles de la communauté Instagram et les Standards de la communauté Facebook. L’espace modération de Meta indique que « Facebook et Instagram partagent des politiques de contenu. Cela signifie que si un contenu est jugé en infraction sur Facebook, il est aussi jugé en infraction sur Instagram. »

Au moment où ce contenu a été publié et retiré, les Règles de la communauté d’Instagram interdisaient « l’achat ou la vente de drogue et de médicaments (même s’ils sont légaux dans votre région) », sous le sous-titre « Respectez la loi ». Les utilisateurs doivent « ne jamais oublier de respecter la loi lorsqu’ils offrent d’acheter ou de vendre des marchandises réglementées ». La phrase « marchandises réglementées » renvoie aux Standards de la communauté de Facebook sur les marchandises réglementées. Le 26 octobre 2021, Meta a mis à jour cette section des Règles de la communauté d’Instagram en réponse aux recommandations précédentes du Conseil (voir Section 8.3 ci-dessous) et a été invitée par la décision du Conseil à réexaminer ce cas. Sous le sous-titre « Respectez la loi », Meta a supprimé la référence aux « drogues et médicaments », la remplaçant par « drogues à usage non médical ou pharmaceutique », et a ajouté un texte interdisant « l’achat ou la vente de drogues à usage non médical ou pharmaceutique [et] supprimant les contenus visant à échanger, coordonner l’échange, donner, offrir ou demander des drogues à usage non médical, ainsi que le contenu qui admet l’utilisation personnelle (sauf dans le contexte de la guérison), coordonne ou encourage l’utilisation de drogues à usage non médical ».

Les Standards de la Communauté Facebook sur les marchandises réglementées comptent une section sur les drogues à usage non médical interdisant le contenu qui « [co]ordonne ou promeut (c’est-à-dire parle de manière positive, encourage l’utilisation ou fournit des instructions pour utiliser ou fabriquer) des drogues à usage non médical ».

II. Valeurs de Meta

Les valeurs de Meta sont détaillées dans l’introduction des Standards de la communauté Facebook. La liberté d’expression y est décrite comme « primordiale » :

L’objectif de nos Standards de la communauté a toujours été de créer un espace d’expression et de donner une voix aux personnes. […] Nous souhaitons que les personnes puissent s’exprimer ouvertement sur les sujets qui comptent pour elles, même si d’autres peuvent marquer leur désaccord ou y trouveraient à redire.

Meta limite la liberté d’expression au service de quatre valeurs, les plus pertinentes en l’espèce étant la sécurité et la dignité.

La sécurité : Nous nous engageons à faire de Facebook un endroit sûr. Les formes d’expression menaçantes peuvent intimider les autres personnes, les exclure ou les réduire au silence, et ne sont donc pas autorisées sur Facebook.

La dignité : Nous pensons que chacun mérite les mêmes droits et la même dignité.

III. Normes relatives aux droits de l’homme :

  • Les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies (PDNU), soutenus par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en 2011, établissent un cadre de travail volontaire pour les responsabilités relatives aux droits de l’homme des entreprises privées. L’analyse du Conseil sur les responsabilités de Meta en matière des droits de l’homme dans le cas présent s’est appuyée sur les standards des droits de l’homme suivants : La Politique d’entreprise des droits de l’homme de Meta, annoncée le 16 mars 2021, reflète l’engagement de la société à respecter les droits tels que reflétés dans les PDNU.
  • Le droit à la liberté d’opinion et d’expression : l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ; l’observation générale n° 34, Comité des droits de l’homme, 2011 ; les rapports du Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression : A/HRC/17/27 (2011).
  • Le droit de prendre part à la vie culturelle : l’observation générale n° 21 sur le droit de chacun à participer à la vie culturelle, E/C.12/OG/21, 21 décembre 2009 ; Convention UNESCO 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
  • Le droit à la liberté de religion et de croyance : Article 18, PIDCP ; l’observation générale n° 22, Comité des droits de l’homme, 1993.

Les autres sources de droit international qui ont inspiré cette décision sont les suivantes :

  • Article 14, paragraphe 2, Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, 1988 ;
  • Article 1 et Tableau I, Convention des Nations unies sur les substances psychotropes de 1971 ; Commentaire sur la Convention sur les substances psychotropes de 1971 ; Rapport de l’Organe international de contrôle des stupéfiants de 2010.

5. Déclaration de l’utilisateur

L’utilisateur a expliqué dans son appel qu’il est certain que sa publication n’enfreint pas les Règles de la communauté d’Instagram, puisque sa page est informative et n’a jamais encouragé ou recommandé l’achat ou la vente de quelque produit interdit par les Règles de la communauté que ce soit. Il a précisé que la photo a été prise lors d’une des cérémonies de son école, qui sont réglementées et légales. Selon l’utilisateur, le compte a pour objectif de démystifier cette boisson sacrée. Il a souligné un manque de connaissances flagrant concernant l’ayahuasca. Selon lui, ce breuvage apporte un bien-être spirituel aux personnes qui en consomment et ses cérémonies peuvent améliorer le bien-être au sein de la société. Il précise par ailleurs qu’il avait précédemment publié le même contenu sur son compte et que la publication est toujours en ligne.

6. Explication de la décision de Meta

Dans son explication de la décision, Meta a déclaré avoir supprimé ce contenu parce qu’il encourageait l’utilisation de l’ayahuasca, une drogue à usage non médical. Selon Meta, sa décision est conforme aux Standards de la communauté de Facebook, aux valeurs de Meta et aux principes internationaux des droits de l’homme.

Meta a déclaré que le contenu violait les Standards de la communauté Facebook parce que « l’utilisateur a décrit l’ayahuasca avec un emoji de cœur, l’a qualifié de "médicament" et a déclaré qu’il "peut vous aider" ». À la suite d’une question du Conseil visant à savoir si le contenu a été retiré pour avoir violé les Règles de la communauté d’Instagram ou les Standards de la communauté de Facebook, Meta a répondu que le contenu a été retiré « pour avoir violé les Règles de la communauté d’Instagram, qui comprennent un lien vers les Standards de la communauté de Facebook sur les marchandises réglementées ». Plus précisément, l’utilisateur a violé l’interdiction d’Instagram concernant le contenu « d’achat ou de vente de drogue et médicaments (même s’ils sont légaux dans votre région) ». Meta a également cité une autre ligne des Règles de la communauté qui renvoie aux Standards de la communauté sur les marchandises réglementées, lesquelles « précisent que Facebook interdit le contenu qui "[co]ordonne ou promeut (ce qui signifie que nous parlons positivement de [...] drogues à usage non médical" ».

Se référant aux valeurs de Meta, la société a déclaré que la « Sécurité » passait avant la « Liberté d’expression ». Meta a noté que les utilisateurs sont autorisés à plaider en faveur de la légalisation des drogues à usage non médical et à discuter des avantages médicaux et scientifiques des drogues à usage non médical, mais qu’il n’y a pas d’autorisation d’usage religieux ou traditionnel. Meta a affirmé que cette règle créait un équilibre entre « Liberté d’expression » et « Sécurité ».

Meta a également déclaré que l’interdiction de ce contenu était conforme aux principes des droits de l’homme. Elle a déclaré avoir pris en considération le droit à la liberté d’expression prévu à l’article 19 du PIDCP et le droit à la liberté de religion ou de conviction prévu à l’article 18 du PIDCP, et a fait valoir que sa décision remplissait les conditions requises pour restreindre ces droits.

Selon Meta, les Standards de la communauté de Facebook sont facilement accessibles et leur définition non publique des drogues à usage non médical comme « substance qui provoque un changement marqué de la conscience » est évidente. Elle a également affirmé que la décision visait à protéger la santé publique. Elle a déclaré que la diméthyltryptamine (DMT), l’une des substances hallucinogènes actives de l’ayahuasca, présente des risques importants pour la sécurité, citant la Convention des Nations unies sur les substances psychotropes de 1971.

Meta a cité des décisions de justice de la Cour suprême des Pays-Bas (ECLI:NL:HR:2019:1456 (affaire n° 18/01356, Cour suprême des Pays-Bas, 1er octobre 2019)) et de la Cour européenne des droits de l’homme (Franklin-Beentjes et Ceflu-Luz da Floresta c. Pays-Bas (affaire n° 28167/07, Cour européenne des droits de l’homme, 6 mai 2014 (déc.))) qui a estimé qu’une interdiction de l’utilisation de l’ayahuasca était une restriction nécessaire et proportionnée au droit à la liberté de religion. Elle a fait valoir que « puisqu’une interdiction complète de l’utilisation de l’ayahuasca est nécessaire et proportionnelle en vertu des principes des droits de l’homme », par conséquent, « la restriction moindre d’un acteur non étatique interdisant sa promotion est également admissible ».

Meta a également fourni des informations concernant la procédure suivie dans cette affaire. Dans sa réponse, Meta a fait une distinction entre la possibilité de « faire appel » d’une décision et celle de « ne pas être d’accord avec une décision ». Meta a expliqué que lorsque les gens ont la possibilité de « ne pas être d’accord avec une décision », il n’y a pas de garantie de révision de la décision, mais Meta pourrait la revoir si sa capacité le permettait. Meta a déclaré que, même si elle ne pouvait « pas toujours offrir aux gens la possibilité de faire appel » en raison des restrictions de capacité liées à la pandémie, elle réexaminait les décisions avec lesquelles les gens n’étaient pas d’accord « lorsqu’elle avait la capacité de procéder à un examen humain pour le faire ». Meta a indiqué au Conseil que l’utilisateur avait fait appel de la suppression. Cependant, le Conseil a examiné les rapports de transparence de Meta sur l’application de la politique d’Instagram et a noté qu’aucun contenu n’a été signalé comme ayant fait l’objet d’un appel pour enfreinte de la politique sur les biens réglementés depuis la mi-2020. Après le questionnement du Conseil à ce sujet, Meta a déclaré que « l’utilisateur avait reçu par erreur un message d’appel à date erronée ». Meta a expliqué que l’utilisateur aurait dû recevoir un message indiquant qu’il pouvait « ne pas être d’accord avec la décision »et qu’elle enquêtait actuellement sur la raison pour laquelle il avait reçu le mauvais message.

7. Soumissions de tierces parties

Le Conseil de surveillance a reçu sept commentaires publics sur ce cas. Un commentaire provenait d’Amérique latine et des Caraïbes et six commentaires provenaient des États-Unis et du Canada.

Les envois couvraient les thèmes suivants : l’importance de reconnaître la pratique traditionnelle et les usages religieux de l’ayahuasca ; la nécessité de prendre en compte le contexte social et juridique local lors de la modération du contenu ; l’importance du contexte local lorsque la norme de la communauté est justifiée par la référence à un préjudice hors plateforme ; les études universitaires ainsi que les preuves anecdotiques des préjudices et des avantages thérapeutiques des hallucinogènes ; et le besoin de cohérence dans l’application des Standards de la communauté de Facebook.

Pour lire les commentaires publics soumis pour ce cas, veuillez cliquer ici.

8. Analyse du Conseil de surveillance

Le Conseil examine la question de la restauration de ce contenu sous trois angles : Les Standards de la communauté Facebook et Règles de la communauté Instagram ; Les valeurs publiquement énoncées de Meta ; et ses responsabilités en matière de droits de l’homme. Le Conseil conclut que, bien que le contenu enfreint les Règles de la communauté et les Standards de la communauté mises à jour, les valeurs de Meta et les principes internationaux en matière de droits de l’homme soutiennent le rétablissement du contenu. Le Conseil recommande de modifier les politiques de contenu de Meta afin de permettre aux utilisateurs de faire des déclarations positives concernant les utilisations traditionnelles et religieuses de drogues à usage non médical lorsqu’il existe des preuves historiques de ces utilisations.

8.1 Respect des règles relatives au contenu de Meta

Le Conseil d’administration convient avec Meta que le contenu enfreint les Règles de la communauté Instagram, telles que mises à jour, et les Standards de la communauté Facebook. Toutefois, comme indiqué ci-dessous, le Conseil conclut néanmoins que le contenu doit être restauré et formule une recommandation de politique générale visant à modifier les standards pertinents de Meta.

I. Règles de la communauté Instagram

Au moment où le contenu a été publié, les Règles de la communauté Instagram interdisaient « l’achat ou la vente » de « drogues et médicaments (même s’ils/elles sont légaux/légales dans votre région) » et demandaient aux utilisateurs de « toujours respecter la loi lorsqu’ils proposent d’acheter ou de vendre d’autres marchandises réglementées ». L’Office observe que la référence à la « drogue », (même si elle est légale dans votre région), prête à confusion et est contradictoire.

La publication de l’utilisateur ne faisait aucune référence à l’achat et à la vente d’ayahuasca. Les Règles de la communauté Instagram font également référence à l’illégalité et au respect de la loi. L’utilisateur est basé au Brésil, où l’utilisation de l’ayahuasca est autorisée pour les rituels religieux et par les communautés indigènes (voir la résolution 2010 du Conseil national anti-drogue du Brésil (CONAD)). L’ayahuasca a été considérée comme autorisée pour certaines fins religieuses en vertu de la loi fédérale aux États-Unis, à laquelle Meta est incorporée (voir le cas de la Cour suprême des États-Unis de Gonzales c. O Centro Espirita Beneficente Uniao Do Vegetal, 546 U.S. 418 (2006)). À cet égard, il n’y avait aucune indication que l’utilisateur ne respectait pas la loi. Par conséquent, le contenu discutant positivement de l’utilisation de l’ayahuasca dans le cadre d’une pratique religieuse que l’utilisateur comprend comme étant légale n’a pas enfreint les Règles de la communauté Instagram telles que communiquées au public.

En réponse aux questions du Conseil sur la façon dont ce contenu enfreignait les règles d’Instagram, Meta a déclaré que la mise en application des Règles « ne dépend ni de la légalité de la substance ni de la nature de l’utilisation prévue », malgré le texte de la règle qui faisait référence à la « drogue » et au « respect de la loi ». Meta a déclaré qu’en plus des Règles de la communauté Instagram, les Standards de la communauté Facebook s’appliquent également au contenu sur Instagram. Le Conseil souligne que cette relation n’est toujours pas rendue suffisamment claire pour les utilisateurs, en particulier lorsque les deux ensembles de règles semblent différer, comme c’était le cas à l’époque.

Au moment où ce contenu a été publié, il n’enfreignait pas les Règles de la communauté d’Instagram telles qu’elles étaient alors articulées, qui se limitaient au contenu impliquant la vente ou l’achat, bien qu’il enfreigne les Standards de la communauté de Facebook liés. Comme mentionné ci-dessus, Meta a mis à jour les Règles de la communauté Instagram le 26 octobre 2021 pour remplacer la référence aux « drogues et médicaments » par « drogues à usage non médical ou pharmaceutique », et ajouter explicitement une interdiction sur « le contenu qui soit admet l’utilisation personnelle (sauf dans le contexte du rétablissement), soit coordonne ou promeut l’utilisation de drogues à usage non médical », ce qui reflète les termes des Standards de la communauté Facebook sur les marchandises réglementées.

II. Standards de la communauté Facebook

Il existe un lien vers les Standards de la communauté Facebook sur les marchandises réglementées à partir de la partie des Règles de la communauté Instagram indiquant de « toujours respecter la loi lorsque vous proposez d’acheter ou de vendre d’autres marchandises réglementées » ; le Conseil note que cela n’indique pas clairement aux utilisateurs que les Standards de la communauté sur les marchandises réglementées s’appliquent dans leur intégralité à tous les contenus sur Instagram. Les Standards de la communauté sur les marchandises réglementées interdisent de « parler positivement de » ou « d’encourager » l’utilisation de drogues à usage non médical. Contrairement aux Règles Instagram antérieures au 26 octobre, ces Standards ne se limitent pas à la drogue. Meta ne fournit pas de définition publique des drogues à usage non médical, mais a déclaré à la Conseil qu’elle inclut les substances qui peuvent être utilisées pour atteindre un « état mental euphorique ou altéré ».

Meta déclare qu’elle traite les contenus parlant positivement de drogues à usage non médical utilisées pour atteindre un « état mental altéré » dans le cadre d’une « pratique spirituelle ou religieuse » de la même manière que les autres contenus parlant positivement de drogues à usage non médical utilisées pour atteindre un état mental altéré. Les Standards de mise en œuvre internes de Meta autorisent les discussions sur les « mérites médicaux ou scientifiques des drogues à usage non médical ». La publication contient un certain langage sur les propriétés générales de guérison de l’ayahuasca, et un autre langage ancré dans les pratiques traditionnelles et religieuses. Dans l’ensemble, le Conseil estime que ces dernières prédominent, et la discussion ici doit être comprise comme une affirmation de ces pratiques. Les spécialistes consulté·es par le Conseil ont déclaré que le texte de cette publication fait partie de prières et de rituels connus et que la référence à la « Reine de la forêt » est une référence à la Vierge Marie dans ces traditions.

Le Conseil convient avec la société que le contenu enfreint les Standards de la communauté sur les marchandises réglementées de Facebook, telle qu’incorporée par référence dans les Règles de la communauté d’Instagram. L’ayahuasca peut être utilisée pour atteindre un état mental altéré, le contenu en parlait positivement et aucune tolérance n’a été appliquée.

Le Conseil conclut que, bien que le contenu enfreigne le Standard de la communauté sur les marchandises réglementées, les valeurs de Meta et les normes internationales en matière de droits de l’homme soutiennent la décision du Conseil de restaurer le contenu, comme cela est analysé dans les sections 8.2 et 8.3 ci-dessous. Le Conseil formule également des recommandations de politique générale visant à harmoniser les Standards de la communauté aux les valeurs de Meta et aux standards internationaux en matière de droits de l’homme.

8.2 Respect des valeurs de Meta

Le Conseil conclut que la décision de Meta de supprimer le contenu n’était pas conforme aux valeurs de l’entreprise. Dans ce cas, comme dans beaucoup d’autres, les valeurs de Meta que sont la « Liberté d’expression », la « Sécurité » et la « Dignité » vont dans des directions différentes. La décision de Meta de supprimer la publication a donné plus de poids à la « Sécurité » sur la « Liberté d’expression ». Le Conseil équilibrerait les valeurs différemment, estimant que les intérêts réels, mais pas particulièrement forts, de la « Sécurité » sont contrebalancés dans ce contexte par la valeur de la « Liberté d’expression » et l’importance de reconnaître la « Dignité » de ceux qui pratiquent des usages traditionnels ou religieux lorsqu’il existe des preuves historiques de tels usages, y compris par les communautés indigènes et religieuses. La recherche scientifique indique que l’utilisation de l’ayahuasca dans un contexte contrôlé lors de cérémonies traditionnelles et religieuses n’est pas liée à un risque sérieux de préjudice. Meta a cité l’affaire de la Cour européenne des droits de l’homme Franklin-Beentjes et Ceflu-Luz da Floresta c. Pays-Bas (affaire n° 28167/07, Cour européenne des droits de l’homme, 6 mai 2014) pour démontrer les risques de l’utilisation de l’ayahuasca. D’autres tribunaux sont toutefois parvenus à des conclusions différentes ; par exemple, la Cour suprême des États-Unis, en examinant le risque de préjudice lié à « l’utilisation sacramentelle et circonscrite de la hoasca » par les membres d’une religion fondée sur l’ayahuasca, a estimé que le gouvernement n’avait pas avancé suffisamment de preuves du préjudice lié à l’utilisation religieuse, ce qui était sa charge, pour justifier l’interdiction dans ces circonstances. Le raisonnement de Meta ne semble pas avoir pris en compte les utilisations contrôlées de l’ayahuasca qui visent à atténuer les risques pour la santé. Au vu de la recherche scientifique, le raisonnement de Meta n’a pas démontré le danger de ce message pour la valeur « Sécurité » d’une manière suffisante pour supplanter la « Liberté d’expression » et la « Dignité » au point de justifier le retrait de la publication. Ces intérêts sont examinés plus en détail à la section 8.3.III ci-dessous.

8.3 Respect des responsabilités de Meta en matière des droits de l’homme

Le Conseil estime que les normes en matière de droits de l’homme vont dans le sens d’un rétablissement de la publication sur Instagram. Meta s’est engagée à respecter les droits de l’homme en vertu des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (PDNU). Sa Politique d’entreprise relative aux droits de l’homme indique que ceci inclut le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Liberté d’expression

L’article 19 du PIDCP prévoit une large protection de la liberté d’expression. Le Comité des droits de l’homme a déclaré que « la liberté d’expression est également indispensable à la jouissance de tous les autres droits [y compris la liberté de religion et de conviction] » (A/HRC/40/58, para. 5). L’expression sert de « catalyseur d’autres droits, y compris [...] le droit de participer à la vie culturelle » (A/HRC/17/27 para. 22, voir aussi Observation générale 21, paragraphes 13-19, 37, 43). La liberté d’expression facilite la promotion de la diversité des expressions culturelles (Convention UNESCO 2005).

Dans ce cas, comme indiqué ci-dessus, la publication parlait de l’utilisation de l’ayahuasca dans le contexte d’une pratique traditionnelle ou religieuse dans la région d’où provenait la publication. Bien que l’utilisation de l’ayahuasca se soit récemment étendue à une population plus large, elle est un élément central des pratiques cérémonielles de certains groupes indigènes et religieux en Amérique latine et dans la diaspora latino-américaine.

L’article 19 exige que lorsque des limitations de la liberté d’expression sont imposées par un État, celles-ci doivent remplir des critères de légalité, d’objectif légitime ainsi que de nécessité et de proportionnalité (article 19, paragraphe 3, PIDCP). Comme indiqué ci-dessus, Meta s’est volontairement engagée à respecter les normes en matière de droits de l’homme.

I. Légalité (clarté et accessibilité des règles)

La première partie du test exige que les règles restreignant l’expression soient claires et accessibles afin que les personnes concernées connaissent les règles et puissent les suivre (Observation générale n° 34, paragraphes 24-25). En ce qui concerne Meta, les utilisateurs de ses plateformes devraient être en mesure de comprendre ce qui est autorisé et ce qui est interdit. Dans le cas présent, le Conseil conclut que Meta n’a pas rempli sa responsabilité.

Le Conseil a attiré à plusieurs reprises l’attention sur le manque de clarté pour les utilisateurs d’Instagram quant aux politiques qui s’appliquent à leur contenu. Voir la décision sur le cas 2020-004-IG-UA sur la sensibilisation au cancer du sein au Brésil et la décision sur le cas 2021-006-IG-UA sur le commentaire du confinement d’Ocalan. Le Conseil réitère ici cette préoccupation, nonobstant les modifications apportées à ces règles.

Les Règles de la communauté d’Instagram n’informent pas clairement les utilisateurs que les Standards de la communauté de Facebook s’appliquent également. Bien que certaines sections des Règles de la communauté renvoient aux Standards de la communauté, la Règles de la communauté que Meta affirme que l’utilisateur a enfreinte (« achat ou vente de drogue et de médicaments ») ne contient aucun hyperlien vers les Standards de la communauté de Facebook. Les utilisateurs doivent consulter des rapports de l’Espace modération pour trouver l’énoncé « Facebook et Instagram partagent des politiques de contenu. Cela signifie que si un contenu est jugé en infraction sur Facebook, il est aussi jugé en infraction sur Instagram. » Le Conseil note qu’il existe des exceptions aux politiques partagées ; en réponse à la recommandation précédente du Conseil visant à clarifier la relation entre les Règles et les Standards dans le cas 2021-006-IG-UA, Meta a déclaré que, par exemple, les personnes sur Instagram peuvent avoir plusieurs comptes à des fins différentes, tandis que les personnes sur Facebook ne peuvent avoir qu’un seul compte utilisant leur « identité authentique ».

Bien que Meta se soit engagé à fournir des informations supplémentaires sur cette relation aux utilisateurs et à fournir une mise à jour de ses progrès d’ici fin 2021 en réponse aux recommandations antérieures du Conseil, le Conseil est préoccupé par le fait que l’entreprise continue d’appliquer les Standards de la communauté Facebook sur Instagram sans en informer les utilisateurs de manière transparente. Le Conseil ne comprend pas pourquoi Meta n’est pas en mesure de fournir immédiatement aux utilisateurs un plus grand degré de transparence en mettant à jour les termes des Règles de la communauté. Bien qu’il puisse y avoir des raisons pour lesquelles des politiques spécifiques devraient s’appliquer sur une plateforme et pas sur l’autre, les utilisateurs doivent savoir quand c’est le cas.

Ce cas génère une confusion particulière car, au moment où le contenu a été publié, il n’enfreignait pas les Règles de la communauté d’Instagram telles que communiquées à l’utilisateur, mais enfreignait les Standards de la Communauté de Facebook. À cette époque, les Règles de la communauté interdisaient le contenu lié à l’achat et à la vente de drogue, et insistaient sur le respect de la loi. Comme indiqué ci-dessus, tant au Brésil, où l’utilisateur semble être basé, qu’aux États-Unis, où Meta est basée, il existe certaines exceptions dans la loi nationale qui permettent l’utilisation de l’ayahuasca dans le contexte de l’utilisation religieuse (et au Brésil, indigène). Le Conseil ne voit pas comment un utilisateur d’Instagram aurait dû savoir que ce contenu était interdit, étant donné que l’utilisateur n’achetait ni ne vendait de drogue et qu’il croyait respecter la loi.

Comme mentionné ci-dessus, Meta a mis à jour les Règles de la communauté d’Instagram le 26 octobre 2021 pour remplacer la référence aux « drogue et médicaments » par « drogues à usage non-médical ou pharmaceutique », et ajouter explicitement une interdiction sur « le contenu qui soit admet l’utilisation personnelle (sauf dans le contexte du rétablissement), soit coordonne ou promeut l’utilisation de drogues à usage non médical », ce qui reflète les termes des Standards de la communauté des marchandises réglementées. Cette mise à jour fournit une représentation plus claire et plus précise des règles que Meta applique.

Le Conseil estime en outre que les définitions des substances figurant dans les Standards de la communauté sur les marchandises réglementées de Facebook ne sont pas suffisamment compréhensibles et transparentes pour les utilisateurs. Les Standards interdisent le contenu lié à certains biens, notamment les armes à feu, la marijuana, les substances pharmaceutiques, les drogues à usage non médical, l’alcool et le tabac. Meta ne définit pas les drogues à usage non médical pour les utilisateurs, mais a déclaré au Conseil qu’elle a une définition interne pour les modérateurs, ainsi qu’une liste confidentielle de drogues à usage non médical.

Enfin, l’utilisateur n’a pas été informé de la partie de la politique de contenu de Meta qu’il avait enfreinte. Selon le groupe, l’utilisateur a reçu un message indiquant que la publication avait été supprimée au motif qu’elle faisait la « promotion de la consommation de drogues dures ». Comme ce terme n’apparaît nulle part dans les Règles de la communauté Instagram ou les Standards de la communauté Facebook, le Conseil estime que Meta n’a pas clairement communiqué l’infraction de la politique à l’utilisateur. Le Conseil a formulé des recommandations à cet égard dans des cas précédents (voir la décision sur le cas 2021-005-FB-UA concernant le meme « Deux boutons » et la décision sur le cas 2020-005-FB-UA concernant une citation nazie).

Compte tenu de ces problèmes, le Conseil estime que Meta n’a pas rempli sa responsabilité de rendre ses règles claires et accessibles aux utilisateurs. Le Conseil réitère ci-dessous ses recommandations précédentes sur la relation entre les Règles de la communauté Instagram et les Standards de la communauté Facebook, ainsi que sur l’importance d’informer les utilisateurs de la manière dont leur contenu a enfreint la politique du groupe.

II. Objectif légitime

Toute restriction étatique de la liberté d’expression doit poursuivre l’un des objectifs légitimes énoncés dans l’article 19, paragraphe 3 du PIDCP. Le Conseil a constaté que ces objectifs peuvent également motiver les politiques de contenu de Meta. Dans le cas présent, Meta a cité la santé publique comme objectif de sa politique, et le Conseil convient qu’il s’agit d’un objectif légitime.

III. Nécessité et proportionnalité

La Commission conclut que les standards internationaux en matière de nécessité et de proportionnalité vont dans le sens du rétablissement de ce contenu sur Instagram. Elle n’est pas non plus d’accord avec l’argument de Meta selon laquelle l’interdiction des commentaires positifs sur l’ayahuasca dans ce contenu était nécessaire pour protéger la santé publique. Dans ce cas, le Conseil a estimé qu’il n’y avait pas de lien direct et immédiat entre le contenu, qui traitait principalement de l’utilisation de l’ayahuasca dans un contexte religieux, et la possibilité d’un préjudice. L’utilisateur n’a pas publié d’instructions pour l’utilisation de l’ayahuasca ni d’informations sur sa disponibilité. La Convention des Nations Unies sur les substances psychotropes de 1971 et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988 reconnaissent des exceptions pour les substances qui sont « utilisées traditionnellement » et pour les « utilisations licites traditionnelles, lorsqu’il existe des preuves historiques d’une telle utilisation », respectivement. La littérature scientifique indique que l’utilisation de l’ayahuasca dans un contexte contrôlé lors de cérémonies traditionnelles et religieuses n’est pas liée à un risque sérieux de préjudice. Compte tenu de ces éléments, la règle actuelle interdisant toute discussion positive sur les drogues à usage non médical est trop large.

Le Conseil reconnaît que les exceptions prévues par ces instruments internationaux, ainsi que par les décisions régionales et nationales, concernent la possession et l’utilisation, et non l’expression. À la lumière de la primauté de la liberté d’expression, le Conseil conclut que dans la plupart des contextes, il n’est pas nécessaire et proportionnel d’interdire un discours qui se rapporte à un comportement qui est lui-même autorisé en vertu d’une exception pertinente.

Meta a fait valoir que la discussion des avantages médicaux ou scientifiques de l’ayahuasca ou le plaidoyer pour sa légalité ne poserait pas de risque, mais que les commentaires positifs sur l’ayahuasca plus généralement dans un contexte traditionnel ou religieux pose un risque suffisamment grave pour justifier le retrait. De l’avis du Conseil, Meta n’a pas expliqué de manière adéquate cette différence, qui n’est pas non plus cohérente avec son approche à l’égard d’autres substances, telles que la marijuana, le tabac et l’alcool. La discussion positive sur ces substances est autorisée malgré le fait qu’elles présentent des risques sérieux pour la santé.

Le Conseil a envisagé d’autres mesures par lesquelles Meta peut promouvoir le respect de la santé publique lors de la modération de contenus non médicaux liés aux substances. Meta avertit actuellement les utilisateurs qui recherchent certains termes liés aux substances qu’ils peuvent être à la recherche d’un contenu qui enfreint les politiques de contenu, et recommande des ressources pour lutter contre l’abus de substances Cependant, cette réponse ne semble pas être générée de la même manière pour les recherches de toutes les drogues à usage non médical, et n’apparaît pas lors de la recherche d’ayahuasca sur Facebook ou Instagram. Appliquer ce type de message de manière plus cohérente pour les utilisateurs qui recherchent du contenu lié aux substances pourrait aider Meta à mieux respecter la santé publique.

Étant donné que cette suppression n’était pas conforme aux valeurs de Meta et que les principes des droits de l’homme et le droit international vont dans le sens d’une autorisation de cette expression, le Conseil a décidé que le contenu devait être restauré. Certains membres du Conseil ont toutefois souligné que ce type de contenu pouvait être restreint conformément aux principes des droits de l’homme. Pour ces membres, si Meta a une politique clairement articulée et non arbitraire qui restreint les discussions positives sur les drogues à usage non médical, les normes des droits de l’homme n’empêchent pas Meta, en tant qu’entreprise privée, d’appliquer cette politique.

D’autres membres estiment que les Standards de la communauté Facebook ne sont pas incompatibles avec le droit international des droits de l’homme, compte tenu des considérations relatives à l’application à grande échelle et de la nécessité de garantir l’administrabilité de la règle. Pour ces membres, une permission large pour les substances « traditionnelles et religieuses » ne serait pas administrable et provoquerait des tentatives de manipuler le système de la part d’utilisateurs. L’application d’une telle autorisation nécessiterait un examen au cas par cas qui entraînerait un risque d’incertitude important, ce qui pèse en faveur d’une règle générale qui puisse être plus facilement appliquée (voir, pour une perspective comparative : Cour européenne des droits de l’homme, Cas de l’Animal Defenders International c. le Royaume-Uni, paragraphe 108).

Le Conseil recommande ci-dessous que Meta modifie ses règles sur les marchandises réglementées afin d’autoriser les discussions positives sur les utilisations traditionnelles et religieuses de drogues à usage non médical lorsqu’il existe des preuves historiques d’une telle utilisation, et rende publiques toutes les dérogations à ces politiques.

Tout en étant d’accord sur le fait que les politiques de Meta devraient être modifiées, une minorité de membres du Conseil estime que les déclarations globalement positives sur les drogues à usage non médical ayant un usage traditionnel ou religieux reconnu ne devraient pas être interdites, qu’elles portent ou non sur ces usages traditionnels ou religieux. Cette minorité estime que Meta ne devrait pas être en position de tenter de distinguer les messages qui discutent positivement de la pratique traditionnelle et religieuse, estimant que cette ligne est trop floue pour une application efficace. Ils font remarquer que cette modification peut être plus facilement administrée en supprimant les drogues à usage non médical correspondant à une utilisation traditionnelle et religieuse de la liste interne des substances et en demandant aux modérateurs de contenu de consulter la liste des substances en cas de doute.

9. Décision du Conseil de surveillance

Le Conseil a annulé la décision de Meta de supprimer le contenu et demande la restauration de la publication.

10. Avis consultatif sur la politique

Mise en application

1. Le Conseil répète sa recommandation de la décision sur le cas 2020-004-IG-UA et la décision sur le cas 2021-006-IG-UA selon laquelle Meta devrait expliquer aux utilisateurs qu’elle applique les Standards de la communauté Facebook sur Instagram, avec plusieurs exceptions spécifiques. Le Conseil prend note de la réponse de Meta à ces recommandations. Bien que Meta puisse prendre d’autres mesures pour se conformer aux recommandations, le conseil d’administration recommande à Meta de mettre à jour l’introduction des Règles de la communauté d’Instagram (les Règles de la communauté « en bref ») dans un délai de 90 jours afin d’informer les utilisateurs que si un contenu est considéré en infraction sur Facebook, il est également considéré comme en infraction sur Instagram, comme indiqué dans l’Espace modération de l’entreprise, à quelques exceptions près.

2. Le Conseil répète sa recommandation de la décision sur le cas 2021-005-FB-UA et de la décision sur le cas 2020-005-FB-UA selon laquelle Meta devrait expliquer précisément quelle règle de la politique de contenu ils ont enfreint.

Politique de contenu

3. Afin de respecter les diverses expressions et pratiques traditionnelles et religieuses, le Conseil recommande à Meta de modifier les Règles de la communauté Instagram et les Standards de la communauté Facebook sur les marchandises réglementées afin d’autoriser une discussion positive sur les utilisations traditionnelles et religieuses des drogues à usage non médical lorsqu’il existe des preuves historiques de cette utilisation. Le Conseil recommande également à Meta de rendre publiques toutes les autorisations de ces politiques, y compris les autorisations existantes.

*Note de procédure :

Les décisions du Conseil de surveillance sont préparées par des panels de cinq membres et approuvées par une majorité du Conseil. Elles ne représentent pas nécessairement les opinions personnelles de tous ses membres.

Pour la décision sur ce cas, des recherches indépendantes ont été commandées au nom du Conseil. Un institut de recherche indépendant, dont le siège se trouve à l’université de Göteborg et mobilisant une équipe de plus 50 spécialistes en science sociale sur six continents ainsi que 3 200 spécialistes national·es du monde entier, a fourni son expertise sur le contexte socio-politico-culturel. L’entreprise Lionbridge Technologies, LLC, dont les spécialistes parlent couramment plus de 350 langues et travaillent dans 5000 villes du monde entier, a fourni son expertise linguistique. Duco Advisers, une société de conseil qui se concentre sur les recoupements entre la géopolitique, la confiance, la sécurité et la technologie, a également prêté assistance au Conseil.

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