Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta sur le cas « Vidéo de prisonniers de guerre arméniens »

Le Conseil de surveillance a confirmé la décision de Meta de laisser en ligne une publication Facebook contenant une vidéo montrant des prisonniers de guerre et d’ajouter un écran d’avertissement « Marquer comme dérangeante » à la vidéo. Le Conseil a estimé que Meta avait correctement appliqué la marge de tolérance liée à l’intérêt médiatique à la publication, qui aurait autrement été supprimée pour infraction au Standard de la communauté sur les attaques coordonnées et la promotion d’actions criminelles. Toutefois, le Conseil recommande à Meta de renforcer ses instructions internes relatives à l’examen de ce type de contenu et de mettre en place un protocole pour la conservation et le partage de preuves de violations des droits humains avec les autorités compétentes.

À propos du cas

En octobre 2022, une personne a publié une vidéo sur une Page Facebook qui affirme documenter les crimes de guerre présumés commis par l’Azerbaïdjan contre les Arméniens dans le cadre du conflit du Haut-Karabakh. Ce conflit a repris en septembre 2020 et a dégénéré en combats en Arménie en septembre 2022, faisant des milliers de morts et des centaines de disparus.

La vidéo commence par un avertissement sur l’âge indiquant qu’elle ne convient qu’aux personnes âgées de plus de 18 ans, et par un texte en anglais, « Stop Azerbaijani terror. The world must stop the aggressors. » (Arrêtez la terreur azerbaïdjanaise. Le monde doit arrêter les agresseurs.) La vidéo semble montrer une scène où des prisonniers de guerre sont capturés.

Elle montre plusieurs personnes qui semblent être des soldats azerbaïdjanais fouillant les décombres, leurs visages masqués numériquement par des carrés noirs. Dans les décombres, ils trouvent des personnes décrites dans la légende comme étant des soldats arméniens, dont les visages ne sont ni masqués, ni identifiables. Certains de ces soldats semblent blessés, d’autres morts. La vidéo se termine par les cris d’une personne que l’on ne voit pas, peut-être la personne qui filme, et qui utilise un langage injurieux en russe et en turc à l’encontre d’un soldat blessé assis sur le sol.

Dans la légende, qui est écrite en anglais et en turc, la personne à l’origine de la publication dit que la vidéo montre des soldats azerbaïdjanais torturant des prisonniers de guerre arméniens. La légende met également en évidence l’accord gazier conclu en juillet 2022 entre l’Union européenne et l’Azerbaïdjan, qui prévoit de doubler les importations de gaz en provenance d’Azerbaïdjan d’ici 2027.

Principales observations

Le Conseil estime que, bien que le contenu de ce cas soit contraire au Standard de la communauté en matière d’attaques coordonnées et de promotion d’actions criminelles, Meta a correctement appliqué la marge de tolérance liée à l’intérêt médiatique pour permettre au contenu de rester sur Facebook, et que le contenu de la vidéo exigeait un écran d’avertissement « Marquer comme dérangeante » en vertu du Standard de la communauté sur le contenu violent et explicite. Ces décisions étaient conformes aux valeurs de Meta et à ses responsabilités en matière de droits humains.

Ce cas soulève d’importantes questions sur l’approche de Meta en matière de modération de contenu dans les situations de conflit, où la révélation de l’identité et de la localisation de prisonniers de guerre peut porter atteinte à leur dignité ou les exposer à un danger immédiat. La question de la dignité humaine est importante dans les situations où les prisonniers sont montrés dans des circonstances dégradantes ou inhumaines. En même temps, cette exposition peut éclairer le débat public et sensibiliser aux mauvais traitements potentiels, y compris les violations des droits humains et du droit humanitaire international. Elle peut également créer une dynamique en faveur d’actions qui protègent les droits et garantissent la responsabilité. Meta est dans une position unique pour contribuer à la préservation de preuves qui peuvent être utiles pour poursuivre les crimes internationaux et soutenir le recours à la justice en cas de violation des droits humains.

L’ampleur et la rapidité avec lesquelles les images de prisonniers de guerre peuvent être partagées sur les réseaux sociaux compliquent la résolution de ces intérêts divergents. Compte tenu des risques et des préjudices graves auxquels sont confrontés les prisonniers de guerre, le Conseil estime que la règle de Meta interdisant la publication d’informations susceptibles pouvant révéler l’identité ou la localisation de prisonniers de guerre est conforme aux responsabilités de l’entreprise en matière de droits humains en vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (commentaire sur le principe 12). Ces responsabilités sont accrues en période de conflit armé et doivent s’appuyer sur les règles du droit international humanitaire. Le Conseil partage l’avis de Meta selon lequel l’intérêt public de maintenir le contenu sur la plateforme avec un écran d’avertissement l’emporte sur le risque pour la sécurité et la dignité des prisonniers de guerre.

La décision du Conseil de surveillance

Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta de maintenir la publication sur Facebook avec un écran d’avertissement « Marquer comme dérangeante ».

Le Conseil recommande également à Meta de :

  • Mettre en place un protocole visant à conserver et, le cas échéant, à partager avec les autorités compétentes les informations destinées à faciliter les enquêtes et les procédures judiciaires visant à remédier aux crimes d’atrocité ou aux violations graves des droits humains, ou à engager des poursuites à leur encontre.
  • Fournir des instructions supplémentaires aux équipes d’examen et aux équipes chargées de faire remonter les informations afin de mieux déterminer si les contenus révélant l’identité ou la localisation de prisonniers de guerre méritent d’être signalés et évalués en raison de leur intérêt médiatique.
  • Ajouter un exemple de contenu qui révélait l’identité ou la localisation de prisonniers de guerre mais qui a été laissé en ligne en raison de son intérêt public à son explication publique de la marge de tolérance liée à l’intérêt médiatique dans l’Espace modération, afin d’offrir plus de clarté.
  • Diffuser publiquement le protocole sur la conservation des preuves relatives aux atrocités et aux violations graves des droits humains.

Pour en savoir plus

Pour lire l’intégralité de la décision, cliquez ici.

Pour lire un résumé des commentaires publics relatifs à ce cas, cliquez sur la pièce jointe ci-dessous.

Pièces jointes

Public comments appendix

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