Confirmé
Rapports sur le Discours du Parlement pakistanais
4 avril 2024
Le Conseil de surveillance a confirmé la décision de Meta de conserver une publication partagée par un média pakistanais contenant la vidéo d’un homme politique prononçant un discours devant le Parlement du pays. Le Conseil considère qu’il est fondamental de protéger ce discours figuratif, à l’approche des élections.
Résumé
Le Conseil de surveillance a confirmé la décision de Meta de conserver une publication partagée par un média pakistanais contenant la vidéo d’un homme politique prononçant un discours devant le Parlement du pays. Cette publication n’enfreint pas le Standard de la communauté relatif à la violence et à l’incitation, car elle relève de l’exception relative à la « sensibilisation ». En outre, les références de l’homme politique à des fonctionnaires sacrifiés ou « pendus » sont figuratives (non littérales) si l’on considère l’ensemble du discours, qui vise à attirer l’attention sur la crise politique pakistanaise et le manque de responsabilité au sein de l’establishment. En cette période de troubles et à la veille d’élections nationales, le Conseil considère qu’il est fondamental de protéger ce type de discours.
À propos du cas
En mai 2023, un média indépendant pakistanais a publié sur sa page Facebook la vidéo d’un homme politique pakistanais prononçant un discours en ourdou devant le Parlement du pays. Le discours fait référence à ce qu’il décrit comme une ancienne « tradition » égyptienne dans laquelle des personnes étaient sacrifiées pour contrôler les inondations du Nil. L’homme politique utilise cette référence pour exprimer ce qui, selon lui, devrait se passer dans le Pakistan d’aujourd’hui, rappelant également un discours précédent dans lequel il déclarait que le pays ne pourrait pas guérir tant que les fonctionnaires, y compris les militaires, n’auraient pas été « pendus ». L’homme politique s’implique lui-même et ses collègues parmi les fonctionnaires qui doivent être sacrifiés, affirmant qu’ils sont tous responsables de ce qu’il se passe. Son discours fait allusion à la crise politique actuelle, et critique le gouvernement et l’establishment militaire. La publication a été partagée environ 20 000 fois et a suscité 40 000 réactions.
Le média local a publié la vidéo avant les élections nationales qui devaient avoir lieu en 2023, mais qui ont été reportées au mois de février 2024. Le pays a connu une période de troubles politiques, marquée par une escalade de la confrontation entre l’ancien Premier ministre Imran Khan et l’establishment militaire, ainsi que des protestations politiques et une polarisation croissante. Des mesures de répression ont été prises à l’encontre des opposants politiques et au Baloutchistan, la province où le parti de cet homme politique est basé, et la répression du gouvernement a été particulièrement prononcée.
Sur une période de 3 mois en 2023, les systèmes automatisés de Meta ont identifié à 45 reprises la publication comme étant potentiellement en infraction. Deux personnes ayant procédé à un examen manuel ont ensuite pris des décisions différentes quant à la publication, l’une estimant qu’elle ne constituait pas une infraction et l’autre qu’elle enfreignait les règles de la politique en matière de violence et d’incitation. Comme le compte qui a partagé le contenu faisait partie du programme de vérification croisée de Meta, la publication a été marquée afin d’être soumise à un examen supplémentaire. Les spécialistes en politique et en la matière de Meta ont finalement estimé que la publication n’enfreignait pas les règles. Meta a transmis le cas au Conseil parce qu’il montre les tensions qui existent dans ses valeurs de liberté d’expression et de sécurité lorsqu’elles sont appliquées au discours politique.
Principales observations
Le Conseil estime que la publication n’enfreint pas le Standard de la communauté relatif à la violence et à l’incitation, car elle a été partagée par un média cherchant à informer d’autres personnes et relève donc de l’exception relative à la « sensibilisation ». Prononcé à l’approche des élections législatives, le discours de l’homme politique couvrait indubitablement des questions d’intérêt public, y compris des évènements relevant du domaine politique et public. Partagé pendant une période de troubles nationaux par un média local, le discours exigeait une protection « particulièrement élevée ». En outre, la légende de la publication n’approuvait ni ne soutenait le discours de l’homme politique, mais soulignait plutôt la forte réaction que le discours avait suscitée au Parlement.
Au moment où la publication a été partagée en mai 2023, l’exception relative à la « sensibilisation » ne figurait que dans les règles internes de Meta à l’intention des équipes d’examen, et non publiquement, mais elle a depuis été incluse dans les Standards de la communauté, conformément à l’une des recommandations précédentes du Conseil.
Ce dernier souligne également l’importance d’évaluer le contexte lors de l’application de la politique en matière de violence et d’incitation aux discours des personnalités politiques susceptibles d’inciter à la violence. Dans le cas présent, aucune menace crédible pouvant entraîner la mort n’était proférée dans la publication ; il s’agissait d’un reportage sur un homme politique utilisant le langage figuré pour commenter la crise politique au Pakistan. La comparaison entre la « pendaison » de fonctionnaires et le mythe égyptien du sacrifice est clairement une métaphore et une exagération politique, plutôt qu’une menace réelle. Les spécialistes consultés par le Conseil ont confirmé que les personnalités politiques pakistanaises utilisent couramment un langage très évocateur et provocateur pour attirer l’attention sur des questions qu’elles considèrent comme importantes. L’homme politique ne nomme aucune cible spécifique dans son discours ; au lieu de cela, il se réfère de manière générale aux fonctionnaires, notamment à lui-même. Considéré dans son intégralité, son discours appelle à une action urgente en matière de responsabilité des fonctionnaires tout en attirant l’attention sur des questions plus larges, notamment les violations des droits humains commises à l’encontre de la population du Baloutchistan.
Par conséquent, le Conseil considère qu’il est fondamental de protéger ce discours, à l’approche des élections.
Décision du Conseil de surveillance
Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta de conserver le contenu.
Le Conseil ne fait pas de nouvelles recommandations, mais réitère la recommandation n° 1 de la décision du discours d’un général brésilien, afin de garantir que les discours ayant une grande valeur d’intérêt public à l’approche des élections puissent être préservés sur les plateformes de Meta. Plus précisément, le Conseil invite Meta à accélérer l’implémentation d’un cadre de référence « pour évaluer les efforts de l’entreprise en matière d’élections, y compris la création et le partage d’indicateurs ». Ceci est particulièrement important étant donné le grand nombre d’élections en 2024, y compris dans les pays de la majorité mondiale.
*Les résumés de cas donnent un aperçu du cas et n’ont pas valeur de précédent.
Décision complète sur le cas
1.Résumé de la décision
Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta de conserver une publication partagée par un média contenant la vidéo d’un homme politique prononçant un discours devant le Parlement pakistanais, à l’approche des élections nationales. La publication contient une légende soulignant les réactions intenses que le discours a suscitées au sein du Parlement. Le discours fait référence à ce que l’homme politique décrit comme une ancienne « tradition » égyptienne consistant à sacrifier des personnes pour contrôler les inondations du Nil. L’homme politique utilise cette référence pour exprimer ce qui, selon lui, devrait se passer dans le Pakistan d’aujourd’hui et pour rappeler qu’il avait précédemment déclaré que le pays ne pourrait pas guérir tant que les fonctionnaires ne seraient pas « pendus ». Son discours s’inscrit dans le contexte d’une forte agitation politique au Pakistan, à l’approche des élections, et critique le gouvernement et l’establishment militaire.
Le Conseil estime que la publication n’a pas enfreint la politique en matière de violence et d’incitation car elle a été partagée par un média cherchant à informer d’autres personnes et relève donc de l’exception relative à la « sensibilisation ». Le discours de l’homme politique partagé par ce média portait sur des questions d’intérêt public et a été prononcé devant le Parlement à l’approche des élections, pendant une période de troubles à l’échelle nationale. Le Conseil constate également que la légende de la publication ne soutenait pas le discours de l’homme politique, mais soulignait les vives réactions qu’il avait suscitées au sein du Parlement. En cette période de troubles et à la veille d’élections nationales, le Conseil considère qu’il est fondamental de protéger ce type de discours.
En outre, compte tenu du contexte et de l’intégralité du discours de l’homme politique, le Conseil considère que la déclaration en question est figurative, plutôt que littérale. La comparaison entre la « pendaison » des fonctionnaires et le mythe égyptien du sacrifice est clairement une métaphore et une exagération politique, plutôt qu’une menace réelle pouvant conduire à la mort. L’homme politique ne nomme aucune cible spécifique dans son discours et il s’inclut lui-même parmi les personnes à sacrifier. Le Conseil conclut que son discours doit être compris comme un appel urgent à l’action en faveur de la responsabilité des fonctionnaires, tout en attirant l’attention sur des questions sociales et politiques plus larges au Pakistan.
2. Description du cas et contexte
Le 16 mai 2023, un petit média local privé de langue ourdou au Pakistan a publié sur sa page Facebook la vidéo d’un homme politique pakistanais prononçant un discours devant le Parlement du pays un jour avant. Le discours en ourdou de l’homme politique fait référence à ce qu’il décrit comme une ancienne « tradition » égyptienne dans laquelle des personnes étaient sacrifiées pour contrôler les inondations du Nil. Il fait référence à cette « tradition » lorsqu’il évoque ce qui, selon lui, devrait se passer dans le Pakistan d’aujourd’hui et indique que, dans un discours précédent, il avait déclaré que le Pakistan ne guérirait pas tant que différents types de fonctionnaires, y compris les militaires, n’auraient pas été « pendus ».
L’homme politique fait ensuite allusion à la crise politique actuelle au Pakistan, en évoquant les problèmes qui touchent le pays à l’approche des élections législatives, notamment les personnes disparues au Baloutchistan et les critiques à l’égard du gouvernement et de l’establishment militaire. Il poursuit en disant que pour mettre fin au « déluge », ils doivent faire des « sacrifices ». L’homme politique s’implique clairement, ainsi que d’autres collègues, dans les fonctionnaires qui doivent être « pendus » en guise de sacrifice, affirmant qu’ils sont tous responsables de la situation actuelle.
La publication comprend une légende et un texte superposé à la vidéo, également en ourdou, qui reprennent la déclaration de l’homme politique sur la pendaison des fonctionnaires. La légende mentionne également les vives réactions que le discours a suscitées au sein du Parlement.
Le contenu a été partagé environ 20 000 fois, a reçu environ 3 000 commentaires et a suscité environ 40 000 réactions, dont la majorité sont des « J’aime ». Entre juin et septembre 2023, les systèmes automatisés de Meta ont identifié le contenu de ce cas comme étant potentiellement en infraction des Standards de la communauté à 45 reprises, créant des signalements qui ont envoyé le contenu pour examen. Deux de ces signalements ont été examinés manuellement à grande échelle. Le premier a estimé que le contenu n’était pas en infraction, tandis que le second a déterminé qu’il enfreignait la politique en matière de violence et d’incitation. Le compte qui a publié le contenu faisant partie du programme de vérification croisée, le contenu a été marqué pour être soumis à un examen secondaire et est resté sur la plateforme en attendant la fin de ce processus. Le contenu a finalement été transmis à des spécialistes en politique et en la matière, qui ont déterminé qu’il n’enfreignait pas la politique sur la violence et l’incitation. Le contenu a été laissé sur la plateforme. Meta a transmis le cas au Conseil parce qu’il montre les tensions qui existent dans ses valeurs de liberté d’expression et de sécurité lorsqu’elles sont appliquées au discours politique.
Le discours en question a été prononcé dans un contexte de troubles politiques importants au Pakistan, quelques jours après l’arrestation de l’ancien Premier ministre Imran Khan. En avril 2022, M. Khan a été évincé lors d’un vote de défiance par l’opposition politique pakistanaise, dans un contexte d’escalade présumée de la confrontation entre M. Khan et l’establishment militaire. Cherchant à reprendre le pouvoir, M. Khan et son parti ont tenté d’avancer les élections législatives, le mandat de l’Assemblée nationale devant initialement s’achever en août 2023.
Le 9 mai 2023, Imran Khan a été arrêté pour corruption. Il a ensuite été reconnu coupable et condamné à plusieurs années de prison, ce que certains ont considéré comme une tentative de l’empêcher de participer aux élections législatives. En août 2023, le président a dissous l’Assemblée nationale, préparant ainsi le terrain pour les prochaines élections générales, qui doivent se tenir en novembre, 90 jours après la dissolution, conformément à la Constitution. Un gouvernement intérimaire a pris le relais et, en novembre, l’organe de surveillance des élections du Pakistan a reporté les élections au 8 février 2024, invoquant la nécessité de redessiner les cartes des circonscriptions électorales. Cela a alimenté l’incertitude politique autour des élections et a prolongé les gouvernements intérimaires nommés depuis l’éviction de M. Khan. En décembre 2023, Meta a également signalé publiquement que l’Autorité pakistanaise des télécommunications avait demandé un accès restreint à une publication critiquant l’establishment militaire.
L’arrestation de M. Khan a donné lieu à des manifestations politiques massives dans tout le pays et à des attaques sans précédent contre des bâtiments militaires et des biens publics et privés, évènements qui ont donné l’impulsion nécessaire au discours de l’homme politique. Les Nations Unies ont signalé au moins 8 morts, un millier d’arrestations et des centaines de blessés lors des affrontements avec les forces de sécurité. Le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a appelé à la fin des violences. Des médias indépendants ont signalé que des milliers de partisans de l’ancien Premier ministre, de militants et de membres de son parti politique ont été arrêtés depuis mai 2023. En outre, les autorités pakistanaises chargées des télécommunications auraient coupé l’accès à l’Internet mobile et aux réseaux sociaux pendant plusieurs jours au cours des violentes manifestations, des journalistes ayant été attaqués et détenus par la police mais aussi attaqués par les manifestants.
L’homme politique représenté dans la vidéo est le chef d’un petit parti politique, mais influent malgré tout, au Baloutchistan (la plus grande province du Pakistan), qui se concentre principalement sur les questions relatives à la région et dénonce depuis longtemps les abus de pouvoir commis par l’État pakistanais à l’encontre du peuple baloutche. Il a été membre du Parlement jusqu’en août 2023 et a fait partie des coalitions au pouvoir des 2 derniers gouvernements. Selon les spécialistes consultés par le Conseil, il a la réputation d’être un homme politique modéré et a déjà condamné la violence contre les civils. Il est très critique à l’égard de l’establishment militaire, bien que son parti ait fait partie de coalitions gouvernementales qui se sont alignées sur l’establishment.
Bien que le discours de l’homme politique ait suivi l’agitation immédiate que l’arrestation de M. Khan a entraînée, l’homme politique fait référence à des questions sociales et politiques plus larges au Pakistan et au Baloutchistan. Les spécialistes consultés par le Conseil ont déclaré que le Pakistan connaissait des niveaux élevés de polarisation politique, alimentés par la confrontation de longue date entre M. Khan, le gouvernement et l’establishment militaire. L’establishment militaire, qui a d’abord soutenu M. Khan, détient une influence politique importante au Pakistan et n’a pas l’habitude d’être critiqué par le public. Toutefois, à la suite d’une répression sévère à l’encontre de M. Khan et de ses partisans, le sentiment anti-militaire s’est intensifié.
Les spécialistes ont également noté que 2 jours avant le discours, des attaques contre les forces de sécurité ont également eu lieu au Baloutchistan, ce qui pourrait également avoir motivé le discours. Le Baloutchistan a toujours abrité un mouvement politique et une société civile dynamiques qui plaidaient en faveur d’une plus grande autonomie politique et de droits socio-économiques. Toutefois, la répression de plus en plus sévère exercée par l’État au Baloutchistan dans le but de maintenir son autorité a conduit à la naissance d’un mouvement sécessionniste armé plus radical.
Le Baloutchistan fait l’objet de violences politiques depuis des décennies, exacerbées par la répression militaire et les violations massives des droits humains, telles que les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires, tactiques couramment utilisées par les forces de sécurité et les milices privées soutenues par l’État pour affaiblir le mouvement séparatiste. Les spécialistes ont noté que les forces militaires pakistanaises sont très présentes au Baloutchistan en raison des mouvements séparatistes actifs et des fréquentes attaques terroristes. Ils ont également souligné que l’armée avait mis en place des milices violentes, prétendument destinées à cibler les membres de la population baloutche soupçonnés d’être en lien avec le mouvement séparatiste. Certaines de ces milices se sont ensuite retournées contre l’armée, alimentant encore davantage le sentiment séparatiste et la violence.
La crise politique pakistanaise a été exacerbée par des problèmes économiques, les conséquences persistantes des inondations dévastatrices de 2022 et la multiplication des actes terroristes au Baloutchistan et ailleurs, qui ont donné lieu à des mesures punitives de lutte contre le terrorisme, notamment des disparitions forcées et des escadrons de la mort au Baloutchistan. Les attaques terroristes ont été condamnées à plusieurs reprises par les Nations Unies, tandis que d’autres spécialistes des droits humains ont réitéré leurs préoccupations quant à l’adoption de mesures antiterroristes abusives.
Dans ce contexte, l’homme politique utilise plusieurs termes provocateurs et explicites dans son discours qui sont en rapport avec l’histoire politique du Pakistan et le paysage politique actuel. Il s’agit notamment de références qui critiquent les politiques gouvernementales et militaires, ainsi que le manque de responsabilité des fonctionnaires de l’establishment. Dans le même temps, le discours aborde la violence à l’encontre des communautés baloutches et leurs luttes pour accéder à la justice.
Les spécialistes linguistiques et culturels consultés par le Conseil ont noté que la culture politique pakistanaise implique l’utilisation d’un langage très provocateur pour attirer l’attention sur des questions jugées importantes. Ils ont indiqué que la « tradition » mentionnée dans le discours de l’homme politique fait référence à un mythe concernant les pratiques sacrificielles dans l’Égypte ancienne pour contrôler les inondations du Nil. Dans ce contexte, l’homme politique fait référence au « sacrifice » des responsables de la crise politique. Les spécialistes ont noté que la nécessité d’arrêter le « déluge » pourrait symboliser la fin de la série de problèmes politiques auxquels le pays est confronté, tant au niveau national qu’au Baloutchistan, ou la lutte contre les troubles causés par les inégalités sociétales.
En outre, l’homme politique fait référence à « Frankenstein » et à d’autres « monstres » dans son discours. Les spécialistes ont noté que ces références pourraient décrire la manière dont l’État pakistanais a créé des acteurs violents, tels que des groupes militants, qui étaient censés servir les intérêts du pays mais qui ont fini par se retourner contre lui, mettant en danger l’État ; un problème qui touche particulièrement le Baloutchistan.
Le Pakistan a organisé des élections législatives le 8 février 2024. L’homme politique qui a prononcé le discours en question a été réélu avec succès et a obtenu un siège à l’Assemblée nationale. Au moment où le discours a été prononcé, les tensions politiques au Pakistan étaient particulièrement vives suite à l’éviction et à l’arrestation de l’ancien Premier ministre Khan. Ce dernier, qui purge actuellement plusieurs années de prison, est exclu des élections législatives, avec son parti. Les candidats de son parti ont été contraints de se présenter en tant qu’indépendants. Selon des spécialistes consultés par le Conseil, certains observateurs affirment que l’establishment s’est opposé au retour au pouvoir du parti politique de M. Khan. D’autres observateurs considèrent également que, bien que fondées en droit, les accusations portées contre M. Khan pourraient être motivées par des considérations politiques.
Le Pakistan est resté en proie à l’agitation. En réponse aux élections nationales non concluantes qui n’ont pas donné de majorité claire, 2 des principaux partis d’opposition à M. Khan ont conclu un accord formel pour former un gouvernement de coalition. La situation a été compliquée par des allégations de fraude électorale.
En considérant plus largement les droits humains, les spécialistes des Nations Unies en matière de droits humains et les organisations de défense des droits civils ont souligné que le précédent gouvernement d’Imran Khan, le régime actuel et l’establishment militaire ont tous restreint la liberté des médias au cours des dernières années. Les médias ont été confrontés à des ingérences, au retrait de la publicité gouvernementale, à l’interdiction contre des présentateurs de télévision et du contenu des émissions. La licence de l’une des principales chaînes d’information privées du pays a également été suspendue. De la même manière, les activistes en ligne, les dissidents et les journalistes font souvent l’objet de menaces et de harcèlement de la part du gouvernement et de ses partisans, y compris certains cas de violence et de disparitions forcées pour avoir critiqué l’establishment militaire et le gouvernement. Les mouvements de défense des droits des femmes, qui cherchent à aborder les questions d’égalité entre les sexes, se sont vu refuser des permis et ont fait l’objet de requêtes en justice visant à interdire leurs marches, en invoquant les objections d’organisations publiques et religieuses, créant ainsi ostensiblement des risques pour la loi et pour l’ordre. Ces organisations ont également signalé des restrictions imposées par le gouvernement pakistanais en matière de liberté d’Internet. Les autorités ont régulièrement recours à l’interruption d’Internet, au blocage de plateformes et à des condamnations sévères pour réprimer les discours critiques en ligne. Des médias indépendants ont également documenté la manière dont le gouvernement pakistanais demande aux plateformes de réseaux sociaux de supprimer du contenu, en particulier lorsque ce dernier met en cause les violations des droits humains et l’implication de l’establishment militaire dans la politique. Meta a informé le Conseil avoir restreint l’accès local à des milliers de contenus signalés par le Pakistan pour violation présumée des lois locales. Ces informations ont également été signalées dans l’Espace modération de l’entreprise.
3. Champ d’application et autorité du Conseil de surveillance
Le Conseil est compétent pour examiner les décisions que Meta lui présente pour examen (article 2, section 1 de la Charte ; article 2, section 2.1.1 des Statuts).
Le Conseil peut confirmer ou annuler la décision de Meta (article 3, section 5 de la Charte), et ce, de manière contraignante pour l’entreprise (article 4 de la Charte). Meta doit également évaluer la possibilité d’appliquer sa décision à un contenu identique dans un contexte parallèle (article 4 de la Charte). Les décisions du Conseil peuvent inclure des recommandations non contraignantes auxquelles Meta doit répondre (article 3, section 4 de la Charte ; article 4 de la Charte). Lorsque Meta s’engage à donner suite aux recommandations, le Conseil surveille leur mise en œuvre.
4.Sources d’autorité et conseils
Les précédents et les standards suivants ont éclairé l’analyse du Conseil dans ce cas :
I. Décisions du Conseil de surveillance
- Mention des talibans dans les informations d’actualité
- Poème russe
- Slogan de protestation en Iran
- Discours d’un général brésilien
- Premier ministre cambodgien
- Différend politique à l’approche des élections turques
- Appel à la manifestation des femmes à Cuba
- Violences communautaires dans l’État indien de l’Odisha
- Confrontation subie par une femme iranienne dans la rue
II. Règles de Meta relatives au contenu
L’analyse du Conseil s’est également appuyée sur l’engagement de Meta en faveur de la liberté d’expression que l’entreprise qualifie de « primordiale », et sur sa valeur de sécurité.
Meta a mis à jour son Standard de la communauté relatif à la violence et à l’incitation à plusieurs reprises depuis la première publication du contenu en mai 2023. Le Conseil a analysé le contenu sur la base de la version la plus récente du Standard de la communauté relatif à la violence et à l’incitation, qui est entré en vigueur le 6 décembre 2023.
La justification de la Politique du Standard de la communauté relatif à la violence et à l’incitation stipule qu’il vise à « prévenir la violence hors ligne potentielle qui peut être liée au contenu » apparaissant sur les plateformes de Meta et que, même si Meta « comprend que les utilisateurs expriment couramment leur mépris ou leur désaccord en menaçant ou en appelant à la violence de manière non sérieuse et informelle, [l’entreprise] supprime les propos qui incitent ou facilitent la violence ainsi que les menaces crédibles pour la sécurité publique ou des personnes ». La justification de la Politique explique que « le contexte est important, c’est pourquoi [Meta] prend en compte divers facteurs tels que la condamnation ou la sensibilisation aux menaces violentes, [...] ou la visibilité publique et la vulnérabilité de la cible des menaces ». Meta « supprime des contenus, désactive des comptes et collabore avec les forces de l’ordre lorsque [l’entreprise] estime qu’il existe un risque réel de dommages physiques ou de menaces directes pour la sécurité publique ».
La politique interdit spécifiquement les « menaces de violence pouvant entraîner la mort (ou d’autres formes de violence grave) ». La politique précise que « les menaces de violence sont des déclarations ou des images représentant une intention, une aspiration ou un appel à la violence à l’encontre d’une cible, et les menaces peuvent être exprimées dans divers types de déclarations telles que des déclarations d’intention, des appels à l’action, des plaidoyers, des déclarations d’aspiration et des déclarations conditionnelles ». À la suite des dernières mises à jour de la politique le 6 décembre 2023, le langage public du Standard de la communauté précise également que Meta « n’interdit pas les menaces lorsqu’elles sont partagées dans un contexte de sensibilisation ou de condamnation », conformément à la recommandation du Conseil dans le cas du Poème russe.
III. Responsabilités de Meta en matière de droits humains
Les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies (PDNU), soutenus par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en 2011, établissent un cadre de travail volontaire pour les responsabilités en matière de droits humains des entreprises privées. La Politique d’entreprise relative aux droits humains de Meta, annoncée en 2021, a réaffirmé l’engagement de l’entreprise à respecter les droits humains conformément aux PDNU.
Les standards internationaux suivants ont été pertinents pour l’analyse du Conseil sur les responsabilités de Meta en matière de droits humains dans le cas présent :
- Le droit à la liberté d’expression : l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), observation générale n° 34 du Comité des droits de l’homme, 2011 ; les rapports du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’opinion et d’expression : A/HRC/38/35 (2018) et A/HRC/50/29 (2022). La Déclaration conjointe sur la liberté des médias et la démocratie, les Mandats de l’ONU et mandats régionaux sur la liberté d’expression (2023) : la Déclaration conjointe sur les hommes politiques et les fonctionnaires et la liberté d’expression, les Mandats de l’ONU et mandats régionaux sur la liberté d’expression (2021).
- Le droit à la vie : l’article 6 du PIDCP.
- Le droit à la liberté et à la sécurité de la personne : l’article 9 du PIDCP, observation générale n° 35, Comité des droits de l’homme (2014).
5. Soumissions de l’utilisateur
À la suite du renvoi de Meta et de la décision du Conseil d’accepter le cas, l’utilisateur a reçu un message l’informant de l’examen du Conseil et lui donnant la possibilité de faire une déclaration au Conseil. L’utilisateur n’a pas émis de déclaration.
6. Soumissions de Meta
Lorsque Meta a examiné le contenu, l’entreprise a estimé qu’il n’enfreignait pas le Standard de la communauté relatif à la violence et à l’incitation (sur la base de la version de la politique en vigueur au moment de l’examen), car il avait été publié par un média pour sensibiliser le public au discours d’un homme politique.
Meta a déclaré supprimer les « déclarations prônant une violence de haute gravité », telles que l’appel à la pendaison publique, mais qu’elle autorisait le contenu lorsqu’il était partagé dans un contexte de sensibilisation. L’entreprise a déclaré que, dans ce cas, le contenu avait été partagé par un média dans un contexte de sensibilisation et qu’il relevait donc de l’exception du Standard de la communauté. Même lorsqu’une déclaration constitue une menace crédible, Meta autorise ce contenu s’il vise à informer d’autres personnes. Se référant à sa précédente définition interne, Meta a expliqué que cette exception « s’applique spécifiquement au contenu qui cherche clairement à informer et à éduquer les utilisateurs sur un sujet ou une question spécifique (…). Il peut s’agir de signalements des universités et des médias. » Cette définition interne a été mise à jour pour refléter les nouvelles définitions de la « sensibilisation » (comme mentionné dans la section 8.1 ci-dessous).
L’entreprise a fait remarquer qu’en examinant la publication « de manière globale », elle a déterminé que le contenu avait été publié par l’agence de presse pour « sensibiliser aux déclarations faites par un homme politique sur des questions d’importance publique ». Meta a constaté que la publication ne se contentait pas de partager de nouveau la partie spécifique du discours de l’homme politique qui appelait à une violence de haute gravité, mais qu’elle partageait une vidéo de 10 minutes du discours, plaçant ainsi les déclarations dans un contexte plus large. Meta a également pris en compte le fait que la légende de l’agence de presse n’approuvait ou ne soutenait aucun message particulier, mais qu’elle éditorialisait les commentaires de l’homme politique, suggérant que le discours était puissant et avait un impact. L’entreprise a également noté que l’agence de presse n’est pas affiliée à l’homme politique de la vidéo ni au gouvernement, et qu’elle n’a pas l’habitude de publier des contenus incitant à la violence.
Meta a également expliqué que, même si le contenu présentait une menace crédible et n’entrait pas dans le cadre de la politique de « sensibilisation », elle aurait autorisé le contenu parce qu’il méritait d’être publié. Meta déclare que « dans certains cas, [l’entreprise] autorise un contenu (qui irait autrement à l’encontre de [ses] standards) s’il est pertinent et dans l’intérêt public ».
Meta a fait valoir que la valeur de l’intérêt public était élevée parce que le discours a été prononcé dans un forum public et a mis en évidence des questions pertinentes. Le contenu a également été diffusé par des organismes d’information réputés, et ce publiquement à l’origine. Meta a estimé que le risque de préjudice était faible car si le discours appelait à première vue à des actions violentes, celles-ci « semblaient être rhétoriques » à la lumière du contexte politique plus large, et « rien n’indiquait que la publication était susceptible d’entraîner des violences ou des préjudices » puisque la publication est restée sur la plateforme « sans aucun incident connu ».
L’entreprise a également noté que, bien que l’exception relative à la sensibilisation soit applicable dans ce cas, le discours lui-même ne contenait pas de menace réelle. Elle a annoncé que la déclaration de l’homme politique dans la vidéo ne faisait pas réellement « l’apologie d’une violence de haute gravité » car elle ne contenait pas de « menace crédible ». Elle doit plutôt être interprétée comme une « déclaration rhétorique ... destinée à faire valoir un point de vue politique ». Meta a expliqué qu’il peut être difficile de distinguer les menaces crédibles des menaces non crédibles lors de l’examen du contenu à grande échelle. Dans ce cas, l’évaluation selon laquelle le contenu ne comportait pas de menace crédible, mais constituait plutôt une « rhétorique politique » a été réalisée après avoir fait remonter le problème, ce qui signifie qu’elle a été faite par les équipes de spécialistes internes de Meta. Ces équipes examinent le contexte plus en détail afin de faire la distinction entre « l’appel à la violence et la rhétorique houleuse ».
La menace était « rhétorique », car l’homme politique a fait une comparaison entre un ancien mythe de sacrifice en Égypte et le plaidoyer pour la pendaison de personnalités politiques, de généraux, de bureaucrates et de juges anonymes. Selon Meta, cela « suggère une hyperbole politique plutôt qu’une menace réelle ». Le discours de l’homme politique a également mis l’accent sur « des questions plus larges de corruption, de népotisme, de discrimination présumée à l’encontre du peuple baloutche » et sur des préoccupations concernant « l’absence de responsabilité des membres de l’establishment militaire dans l’histoire du Pakistan ». Selon Meta, ses commentaires prônant une violence de haute gravité « doivent être considérés en gardant à l’esprit cet objectif plus large ».
Le Conseil a posé 18 questions par écrit à Meta. Les questions portaient sur la mise en application automatisée et humaine de Meta ; le processus d’escalation exclusif de Meta ; les dernières mises à jour de la politique sur la violence et l’incitation et les instructions internes pour les équipes de modération de contenu ; les processus pour les demandes gouvernementales d’examen de contenu ; les mesures prises par Meta à la lumière de l’approche des élections en 2024 ; et les mesures pour protéger les personnalités politiques et les candidats ainsi que les canaux de communication que Meta a mis en place avec le gouvernement pakistanais. Meta a répondu à toutes les questions posées par le Conseil. Meta a informé le Conseil qu’elle n’était pas en mesure de fournir des informations complètes sur les demandes de retrait de contenu qu’elle avait reçues du gouvernement pakistanais au cours de l’année écoulée, car cela nécessiterait une validation des données, qui ne pourrait pas être effectuée à temps.
7.Commentaires publics
Le Conseil de surveillance a reçu 3 commentaires publics répondant aux critères de soumission. Un commentaire provenait des États-Unis et du Canada, un d’Asie-Pacifique et d’Océanie, et un d’Asie centrale et d’Asie du Sud. Pour consulter les commentaires publics soumis accompagnés d’un consentement à la publication, cliquez ici.
Les soumissions ont couvert les sujets suivants : le rôle des réseaux sociaux et des plateformes digitales, et l’augmentation des reportages par des entités autres que des journalistes ; les risques potentiels associés à l’autorisation de discours politiques violents sur les réseaux sociaux au Pakistan ; la situation politique et des droits humains dans le pays ; la liberté d’expression, les libertés des médias et la mise en évidence de lois spécifiques qui constituent de sérieuses menaces pour la liberté de la presse.
8.Analyse du Conseil de surveillance
Le Conseil a examiné la décision de Meta de conserver le contenu en vertu de ses politiques sur le contenu, de ses responsabilités en matière de droits humains et de ses valeurs.
Il a choisi ce cas parce qu’il offrait la possibilité d’explorer la politique de Meta en matière de violence et d’incitation ainsi que le processus de mise en application connexe dans le contexte du discours politique. Il soulève des questions pertinentes sur la manière dont Meta doit traiter les discours des personnalités politiques et toute couverture médiatique de ces discours sur ses plateformes, en particulier à l’approche des élections. Ce cas permet d’explorer directement les questions relatives à la protection du journalisme et à l’importance pour les médias de rendre compte de questions, d’évènements ou de sujets d’intérêt public.
En outre, ce cas donne au Conseil l’occasion de discuter des procédures internes de Meta pour déterminer quand un discours menaçant doit être interprété au sens figuré plutôt qu’au sens littéral. Le cas s’inscrit principalement dans le cadre de la priorité stratégique « Élections et Espace civique » du Conseil.
8.1 Respect des politiques relatives au contenu de Meta
Le Conseil estime que le contenu de ce cas n’enfreint pas le Standard de la communauté relatif à la violence et à l’incitation car, indépendamment du fait que le contenu sous-jacent atteindrait le seuil d’incitation, il a été partagé par un média cherchant à informer les autres, et relève donc de l’exception relative à la sensibilisation.
Au moment où le contenu a été publié, l’exception de « sensibilisation » de Meta n’était contenue que dans ses règles internes à l’intention des équipes d’examen, et non dans le Standard de la communauté destiné au public. Elle autorisait « les contenus en infraction s’ils sont partagés dans un contexte de condamnation ou de sensibilisation ». Elle définissait le contexte de sensibilisation comme « un contenu qui cherche clairement à informer et à éduquer les utilisateurs sur un sujet ou une question spécifique », ce qui pourrait inclure les reportages d’information. À la suite des mises à jour du Standard de la communauté public le 6 décembre 2023, conformément à la recommandation du Conseil dans le cas du Poème russe, la politique reflète désormais explicitement cette exception : « [Meta] n’interdit pas les menaces lorsqu’elles sont partagées dans un contexte de sensibilisation ou de condamnation ».
Meta a également mis à jour ses Standards internes pour définir la sensibilisation de manière plus détaillée, comme « le partage, la discussion ou la communication d’informations ... dans le but d’améliorer la compréhension d’un problème ou la connaissance d’un sujet qui a une valeur d’intérêt public. La sensibilisation ... ne doit pas avoir pour but d’inciter à la violence ou de propager la haine ou les fausses informations. Cela inclut, sans s’y limiter, le journalisme citoyen et le partage d’informations par des utilisateurs réguliers ». Meta a expliqué que les « reportages » entrent dans la catégorie plus large des contenus partagés à des fins de sensibilisation.
Dans le cas présent, plusieurs éléments indiquent clairement que le contenu relève de l’exception relative à la sensibilisation. Il a été publié par un média et diffusait le discours d’un homme politique faisant référence à la situation sociale et politique au Pakistan, à l’approche des élections. Le discours évoquait indubitablement des questions d’intérêt public, concernant des évènements et des personnalités du domaine public et politique. La vidéo montre l’appel de l’homme politique à « pendre » les fonctionnaires dans le contexte de son discours plus général, plaçant les déclarations dans un cadre plus large et soulignant d’autres questions d’intérêt public. La publication n’approuve ni ne soutient le message de l’homme politique et la légende, qui indique que le discours a suscité de vives réactions, montre clairement que le contenu est partagé pour rendre compte du discours de l’homme politique et sensibiliser l’opinion publique.
Bien que le contenu dans ce cas bénéficie de l’exception de sensibilisation, le Conseil note également que, compte tenu du contexte, il ne contient pas de « menace crédible » de « violence pouvant entraîner la mort » qui enfreindrait le Standard de la communauté relatif à la violence et à l’incitation. Il souligne que certains éléments peuvent aider à déterminer si un discours doit être interprété comme figuratif ou non littéral, par opposition à des menaces crédibles. Cette distinction revêt une importance particulière lorsque les déclarations sont de nature politique, notamment à l’approche des élections.
Le Conseil reconnaît qu’il est important de supprimer les discours de personnalités politiques susceptibles d’inciter à la violence s’ils comportent des menaces et des cibles spécifiques et crédibles (voir, par exemple, le cas du Premier ministre cambodgien), mais il réaffirme l’importance des évaluations contextuelles lors de l’application de cette politique. En l’absence de menaces crédibles, les discours utilisant un langage menaçant au sens figuré, ou non littéral, ne devraient pas constituer une violation de la politique en matière de violence et d’incitation (voir les décisions des cas suivants : Poème russe, Slogan de protestation en Iran et Confrontation subie par une femme iranienne dans la rue).
Dans le cas présent, le contenu est un reportage montrant un homme politique s’adressant au Parlement pour faire des remarques sur la situation sociale et politique au Pakistan. En fonction du contexte et des spécialistes linguistiques et culturels consultés, le Conseil considère que l’homme politique utilise un langage figuré plutôt qu’une menace de violence littérale et crédible. L’homme politique utilise un discours illustratif et des références historiques pour critiquer la crise politique au Pakistan. Le Conseil partage l’avis de Meta selon lequel la comparaison métaphorique entre le fait de tuer des fonctionnaires et le mythe antique consistant à réaliser des sacrifices pour contrôler les inondations du Nil est l’expression d’une exagération politique plutôt qu’une menace réelle. Les spécialistes consultés par le Conseil ont expliqué que les personnalités politiques pakistanaises utilisent couramment un langage très provocateur pour attirer l’attention sur des questions qu’elles considèrent importantes, et qu’elles ont tendance à être délibérément provocatrices et hyperboliques dans leurs discours devant le Parlement. Le Conseil considère qu’il est fondamental de protéger ce type de discours lorsqu’il est figuratif (non littéral), en particulier à l’approche des élections. En outre, la déclaration de l’homme politique aborde des questions plus larges telles que la corruption, la discrimination perçue et les violations des droits humains à l’encontre du peuple baloutche, qui a lutté pour accéder à la justice, et le manque de responsabilité des fonctionnaires de l’État et de l’establishment militaire dans l’histoire du pays. Contrairement à la décision concernant le Premier ministre cambodgien, l’homme politique ne désigne pas de cibles spécifiques (il ne fait référence qu’à des catégories générales de fonctionnaires), s’inclut lui-même dans ces catégories ciblées et n’a pas d’antécédents en matière d’incitation à la violence. Le contexte pertinent est examiné à la section 8.2 ci-dessous.
Dans ce contexte, les déclarations doivent donc être comprises comme un appel à l’action, l’expression d’une inquiétude et l’attribution d’un blâme plutôt que comme des menaces à l’encontre de particuliers. Comme dans le cas du Slogan de protestation en Iran et du Poème russe, ces déclarations doivent être considérées comme des expressions figuratives utilisées pour transmettre un message politique plutôt que comme une menace crédible.
Le Conseil reconnaît que si le contenu de ce cas n’enfreint manifestement pas la politique, la différenciation entre les déclarations utilisant un langage menaçant au sens figuré, ou non littéral, et les menaces crédibles, nécessite un contexte et peut être difficile à grande échelle. Comme le Conseil l’a déclaré précédemment, il est donc important que Meta fournisse des indications précises aux équipes d’examen sur les facteurs à prendre en compte lors de la modération d’un discours potentiellement figuratif (voir la recommandation n° 1 dans le cas du Slogan de protestation en Iran). Étant donné les difficultés que peuvent rencontrer les équipes d’examen à grande échelle pour différencier le discours figuratif des menaces crédibles, l’exception relative à la sensibilisation offre une protection supplémentaire pour garantir que le discours figuratif partagé par les médias à des fins d’information et de sensibilisation n’est pas supprimé de la plateforme.
8.2 Respect des responsabilités de Meta en matière de droits humains
Le Conseil estime que le maintien du contenu sur la plateforme était conforme aux responsabilités de Meta en matière de droits humains.
Liberté d’expression (article 19 du PIDCP)
L’article 19 du PIDCP prévoit une protection plus large de la liberté d’expression, notamment la « liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre [moyen] ». Cette protection est « particulièrement élevée » pour les « débats publics concernant des personnalités du domaine public et politique qui sont tenus dans une société démocratique, » (observation générale n° 34, paragraphes 34 et 38). Le discours politique et le discours sur d’autres questions d’intérêt public bénéficient du « niveau de protection le plus élevé possible ... y compris par le biais des médias et des plateformes de communication digitale, en particulier dans le contexte des élections » (Déclaration conjointe, 2021).
Le rôle des médias dans la diffusion d’informations dans l’écosystème digital est essentiel (voir la décision concernant le Différend politique à l’approche des élections turques). Le droit international des droits humains accorde une valeur particulière au rôle du journalisme et des médias dans la fourniture d’informations présentant un intérêt pour le public (voir la décision relative à la Mention des talibans dans les informations d’actualité). Le Comité des droits de l’homme a souligné qu’une « presse ou d’autres médias libres, non censurés et sans entraves sont essentiels », la presse ou d’autres médias pouvant « commenter les questions d’intérêt public sans censure ni restriction et informer l’opinion publique » (observation générale n° 34, paragraphe 13).
Les plateformes de réseaux sociaux comme Facebook sont devenues un moyen de diffusion de reportages dans le monde entier, et Meta a reconnu ses responsabilités envers les journalistes dans sa politique d’entreprise qui relève des droits humains. Les plateformes digitales constituent d’importants canaux de diffusion et d’interactions de l’audience pour de nombreux médias. Les plateformes de réseaux sociaux, dans leur fonction de « gardiens numériques », ont un « profond impact » sur l’accès du public aux informations, (A/HRC/50/29, paragraphe 90).
Lorsque des limitations de la liberté d’expression sont imposées par un État, elles doivent remplir des critères de légalité, d’objectif légitime, et de nécessité et de proportionnalité (article 19, paragraphe 3 du PIDCP). Le Conseil utilise ce cadre pour interpréter les engagements volontaires de Meta en matière de droits humains, à la fois pour la décision relative au contenu individuel en cours d’examen et pour ce que cela dit de l’approche plus large de Meta en matière de gouvernance du contenu. Comme l’a déclaré le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression, même si « les entreprises ne sont pas soumises aux mêmes devoirs que les gouvernements, leur influence est néanmoins telle qu’elle doit les inciter à se poser les mêmes questions qu’eux quant à la protection de la liberté d’expression de leurs utilisateurs » (A/74/486, paragraphe 41).
I. Légalité (clarté et accessibilité des règles)
Le principe de légalité exige que toute restriction de la liberté d’expression soit conforme à une règle établie, qui est accessible et compréhensible pour les utilisateurs. La règle doit être « libellée avec suffisamment de précision pour permettre à un individu d’adapter son comportement en conséquence et être mise à la disposition du public » ( observation générale n° 34, paragraphe 25). Par ailleurs, les règles qui limitent la liberté d’expression « ne peuvent pas conférer aux personnes chargées de [leur] application un pouvoir illimité de décider de la restriction de la liberté d’expression » et doivent « énoncer des règles suffisamment précises pour permettre aux personnes chargées de leur application d’établir quelles formes d’expression sont légitimement restreintes et lesquelles ne le sont pas » (observation générale n° 34, paragraphe 25 ; A/HRC/38/35 (undocs.org), paragraphe 46). Le manque de clarté ou de précision peut conduire à une application incohérente et arbitraire des règles. Dans le cadre des plateformes de Meta, les utilisateurs doivent être en mesure de prévoir les conséquences de la publication d’un contenu sur Facebook et Instagram, et les équipes d’examen de contenu doivent disposer de conseils précis sur l’application de ces règles.
Le Conseil note que l’exception de « sensibilisation » décrite ci-dessus n’était toujours pas incluse dans le langage public de la politique au moment où ce contenu a été publié. En d’autres termes, à cette époque, les utilisateurs ne savaient pas encore qu’un contenu en infraction était autorisé s’il était partagé dans un contexte de condamnation ou de sensibilisation, ce qui a pu les empêcher de lancer ou d’interagir dans des discussions d’intérêt public sur les plateformes de Meta (voir la décision Violences communautaires dans l’État indien de l’Odisha).
Suite à la dernière mise à jour de sa politique et compte tenu des recommandations du Conseil dans les cas précédents, Meta inclut désormais explicitement l’exception relative à la sensibilisation dans le Standard de la communauté. La politique stipule que Meta n’interdit pas les menaces lorsqu’elles sont partagées dans un contexte de sensibilisation ou de condamnation, garantissant ainsi le respect du critère de légalité.
Le Conseil estime que si la justification de la Politique du Standard de la communauté relatif à la violence et à l’incitation suggère que le « contexte » peut être pris en compte lors de l’évaluation d’une « menace crédible », la politique ne précise pas comment les déclarations figuratives (ou non littérales) doivent être distinguées des menaces crédibles. Le Conseil réitère ses conclusions dans les cas du Slogan de protestation en Iran et de la Confrontation subie par une femme iranienne dans la rue, à savoir que Meta devra inclure une explication sur la manière dont elle modère les menaces figuratives (non littérales).
II. Objectif légitime
Les restrictions en matière de liberté d’expression doivent poursuivre un objectif légitime énuméré à l’article 19, paragraphe 3 du PIDCP, qui inclut les « droits d’autrui ». En cherchant à « prévenir la violence hors ligne potentielle » en supprimant les contenus qui présentent « un risque réel de dommages physiques ou de menaces directes pour la sécurité publique », le Standard de la communauté relatif à la violence et à l’incitation sert les objectifs légitimes de protection du droit à la vie (article 6 du PIDCP) et du droit à la sécurité de la personne (article 9 du PIDCP, observation générale n° 35, paragraphe 9).
III. Nécessité et proportionnalité
Toutes les restrictions de la liberté d’expression « doivent être appropriées pour remplir leur fonction de protection, elles doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché et elles doivent être proportionnées à l’intérêt à protéger », (observation générale n° 34, paragraphe 34). Les entreprises de réseaux sociaux doivent envisager une série de réponses possibles au contenu problématique au-delà de la suppression afin de s’assurer que les restrictions sont étroitement adaptées (A/74/486, paragraphe 51).
Pour ce cas, le retrait du contenu de la plateforme ne satisferait pas aux principes de nécessité et de proportionnalité, étant donné qu’il a été partagé par un média à des fins de sensibilisation et qu’il contient un discours politique figuratif qui ne constitue pas une incitation à la violence, au lieu d’une menace littérale et crédible.
Le Conseil note en outre que l’expression en question mérite une protection « particulièrement élevée » en raison de sa nature politique (observation générale n° 34, paragraphe 34) et parce qu’elle a été prononcée devant le Parlement dans le cadre d’un débat axé sur des questions politiques nationales. Cela s’est produit pendant une période de troubles sociaux et politiques importants à l’approche des élections pakistanaises, qui ont été retardées en 2023 et se sont finalement tenues le 8 février 2024. Le contenu partagé par un média pour sensibiliser aux questions politiques dans un contexte pré-électoral ne doit pas être limité.
Le rôle des médias dans ce contexte devient de plus en plus crucial et jouit d’une valeur et d’une protection particulières (voir la décision sur la Mention des talibans dans les informations d’actualité et l’observation générale n° 34, paragraphe 13). Les médias numériques jouent un rôle clé dans la diffusion d’informations et de déclarations. La suppression de ce contenu par Meta constituerait une restriction disproportionnée de la contribution de la presse au débat sur les questions d’intérêt public.
Le Conseil note en outre que la suppression ne constituerait pas une restriction proportionnée étant donné que le discours lui-même aurait dû être interprété de manière figurative et non littérale et ne constituait pas une véritable incitation à la violence. Les 6 facteurs décrits dans le Plan d’action de Rabat (contexte, intervenant, intention, contenu du discours, étendue du discours et probabilité d’un dommage imminent) fournissent des indications précieuses pour cette évaluation.
Bien que les facteurs du Plan d’action de Rabat aient été élaborés à des fins de lutte contre la haine nationale, raciale ou religieuse constituant une incitation, et non pour l’incitation en général, ils offrent un cadre utile pour évaluer si le contenu incite ou non d’autres personnes à la violence (voir, par exemple, le Slogan de protestation en Iran et l’Appel à la manifestation des femmes à Cuba).
Le contenu a été publié dans le contexte des élections à venir et des troubles politiques en cours. L’éviction et l’arrestation de l’ancien Premier ministre Imran Khan ont exacerbé les tensions et la polarisation existantes, provoquant des manifestations massives dans tout le pays, des arrestations, des attaques sans précédent contre des bâtiments de l’armée et une répression violente de la part de la police, notamment à l’encontre des civils protestataires, des partisans d’Imran Khan et des figures de l’opposition. Les spécialistes consultés par le Conseil ont noté que le gouvernement pakistanais a l’habitude d’arrêter et de poursuivre en justice ceux qui critiquent le gouvernement, l’establishment militaire et le système judiciaire.
Bien que l’homme politique décrit dans la publication soit une personnalité publique, dont le discours comporte potentiellement un risque plus élevé de préjudice en raison de sa position d’autorité, il n’avait pas d’antécédents en matière d’incitation à la violence. Le contenu et la forme de la déclaration suggèrent qu’elle n’a pas été faite au sens propre et qu’elle est de nature figurative, car l’homme politique ne nomme pas de cibles spécifiques (il ne fait référence qu’à des catégories de fonctionnaires) et s’inclut lui-même dans ces catégories ciblées. Les spécialistes ont également noté que les personnalités politiques pakistanaises utilisent couramment un langage très provocateur. En outre, l’ensemble du discours de l’homme politique, qui était souvent de nature illustrative, abordait également des questions plus générales d’intérêt public à l’approche des élections législatives au Pakistan, notamment les violations des droits humains commises à l’encontre du peuple baloutche. Ainsi, les facteurs contextuels et le contenu du discours suggèrent que l’intention de l’homme politique était de lancer un appel urgent à l’action, en ne demandant pas que les fonctionnaires soient pendus, mais qu’ils rendent des comptes. Bien que le contenu ait eu une grande portée, il ne s’est pas distingué par rapport à d’autres évènements de l’époque. En outre, comme l’homme politique n’a pas nommé de cibles spécifiques mais a évoqué en termes génériques le régime au pouvoir, dont il était membre, le discours n’était pas susceptible de déclencher un préjudice imminent. L’intention de l’auteur, malgré son identité, le contenu du discours et sa portée, ainsi que la probabilité d’un préjudice imminent, justifiaient tous de laisser le contenu sur la plateforme.
Le Conseil estime que dans des contextes politiques complexes tels que ceux décrits dans ce cas, il est essentiel d’évaluer l’importance et le lien du discours de l’homme politique avec le paysage électoral dans son ensemble. Le moment choisi pour prononcer le discours, compte tenu des circonstances politiques du moment, est fondamental, comme nous l’avons vu précédemment (voir section 2). Tout discours de cette nature, considéré dans le contexte des élections à venir, devrait être maintenu sur la plateforme.
Afin de garantir que les discours ayant une grande valeur d’intérêt public, tels que le contenu de ce cas, soient conservés sur la plateforme, le Conseil réitère la recommandation n° 1 du cas sur le Discours du général brésilien, qui a été acceptée par Meta. Dans ce cas, le Conseil a recommandé à Meta de développer un cadre de référence pour évaluer les efforts de l’entreprise en matière d’élections. Cela inclut la création et le partage d’indicateurs pour des initiatives électorales réussies, en particulier en vue de la mise en application par Meta de ses politiques de contenu, permettant à l’entreprise non seulement d’identifier et d’annuler les erreurs, mais aussi de suivre l’efficacité de ses mesures dans le contexte des élections. L’implémentation de cette recommandation nécessite la publication de rapports spécifiques à chaque pays.
Dans sa réponse à cette recommandation, Meta a informé le Conseil qu’elle disposait d’une série d’indicateurs pour évaluer la réussite de ses initiatives en matière d’élections et accroître la transparence de leur impact, mais qu’elle s’efforcerait de les regrouper en un ensemble spécifique d’indicateurs électoraux qui lui permettront d’améliorer la manière dont elle évalue ses efforts avant, pendant et après les élections. Meta a indiqué qu’elle menait actuellement une évaluation pilote utilisant différents indicateurs pour plusieurs élections en 2024 et a informé le Conseil de son intention de les définir publiquement au début de l’année 2025. Le Conseil demande instamment à Meta d’entreprendre ce processus plus tôt, si possible, étant donné le grand nombre de pays qui organisent des élections cette année, y compris les pays de la majorité mondiale.
9. Décision du Conseil de surveillance
Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta de conserver le contenu.
10. Recommandations
Le Conseil de surveillance a décidé de ne pas émettre de nouvelles recommandations dans cette décision, étant donné la pertinence d’une recommandation précédente émise dans le cas du Discours du général brésilien, qui a été acceptée par Meta. Afin de garantir que les discours ayant une grande valeur d’intérêt public, tels que le contenu de ce cas, soient conservés sur la plateforme, le Conseil réitère la recommandation suivante :
Meta devrait développer un cadre pour évaluer les efforts de l’entreprise en matière d’élections. Il s’agit notamment de créer et de partager des indicateurs de réussite des efforts en matière d’élections, en particulier en vue de la mise en application par Meta de ses politiques de contenu. L’implémentation de cette recommandation nécessite la publication de rapports spécifiques à chaque pays ( voir la recommandation n° 1 du cas sur le Discours du général brésilien).
* Note de procédure :
Les décisions du Conseil de surveillance sont préparées par des panels de 5 membres et approuvées par une majorité du Conseil. Elles ne représentent pas nécessairement les opinions personnelles de tous ses membres.
Pour la décision sur ce cas, des recherches indépendantes ont été commandées au nom du Conseil. Le Conseil était assisté d’un institut de recherche indépendant, dont le siège se trouve à l’université de Göteborg. Il avait mobilisé une équipe de plus de 50 experts en sciences sociales sur 6 continents ainsi que 3 200 experts nationaux du monde entier. Le Conseil a également bénéficié de l’aide de Duco Advisors, une société de conseil spécialisée dans la géopolitique, la confiance et la sécurité, ainsi que la technologie. Memetica, une organisation qui effectue des recherches open-source sur les tendances des réseaux sociaux, a également fourni une analyse. L’entreprise Lionbridge Technologies, LLC, dont les spécialistes parlent couramment plus de 350 langues et travaillent dans 5 000 villes du monde entier, a fourni son expertise linguistique.
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