Une interdiction excessive a muselé la parole politique au Kenya
9 décembre 2025
Le Conseil de surveillance a renversé la décision initiale de Meta de supprimer un commentaire sur la politique kenyane contenant le terme « tugeges ». Bien que ce commentaire décrive de manière négative un groupe d’électeurs kenyans, il ne crée pas intrinsèquement une atmosphère d’exclusion discriminatoire et d’intimidation. Au moment où ce contenu a été publié, ce terme n’aurait pas dû être considéré comme une insulte. Ce cas montre qu’une réponse excessive de la part de Meta a muselé la parole politique et les débats publics.
À propos du cas
L’ancien Premier ministre du Kenya, Raila Odinga, a présenté sa candidature à la présidence de l’Union africaine en février 2025. Avant cette élection, un utilisateur de Facebook avait publié une photo de l’ancien vice-président du Kenya, Rigathi Gachagua. Le texte superposé sur l’image décrit le soutien de Gachagua à la candidature d’Odinga. Dans la légende, l’utilisateur indique que Gachagua, qui appartient à l’ethnie Kikuyu, choisit de soutenir Odinga, qui appartient à l’ethnie Luo, uniquement pour accroître sa popularité auprès de l’électorat Luo.
Un deuxième utilisateur a répondu dans un commentaire, tournant en dérision le contenu de la publication d’origine, rejetant le fait qu’elle soit destinée aux « tugeges », (« Kikuyus attardés »), une référence directe aux partisans de Gachagua.
À l’époque, Meta avait qualifié le terme « tugeges » comme une insulte en vertu de son Standard de la communauté Conduite haineuse. Le commentaire du deuxième utilisateur a été supprimé de manière automatisée et son compte a été sanctionné. Toutefois, Meta a retiré ce terme de sa liste d’insultes en juin 2025 lorsque le Conseil l’a interrogée quant à sa désignation. L’entreprise a également rétabli le commentaire et révoqué la sanction le mois suivant.
Principaux constats
Le Conseil invite Meta à faire preuve de discernement dans son processus de désignation avant d’interdire l’utilisation de certains termes. Le terme « tugeges » ne correspond pas à une insulte au sens où que le définit Meta. Au moment des élections de 2022 au Kenya, la manière dont le mot était utilisé signifiait qu’il aurait pu être considéré comme tel. Cependant, son utilisation a rapidement évolué, soulevant des questions quant à sa désignation de janvier 2024. Au moment où ce contenu a été publié, le terme « tugeges » n’aurait pas dû être considéré comme une insulte.
Bien que ce terme puisse avoir une connotation péjorative pour désigner un groupe ethnique, beaucoup l’utilisent pour critiquer la confiance aveugle envers les politiques. D’autres dialectes kenyans ont des équivalents, généralement pour exprimer des critiques politiques. La Coalition nationale kenyane pour la liberté d’expression et la modération du contenu n’a pas considéré ce terme comme relevant d’un discours incitant à la haine. Les experts et les commentaires publics soulignent que les connotations ethniques discriminatoires du terme ne sont pas figées et que ce mot a plusieurs significations en langage familier. Meta aurait dû prendre cela en considération, ce qui souligne l’importance pour l’entreprise d’impliquer les acteurs nationaux tant dans la désignation que dans la vérification des listes d’insultes.
Les délibérations relatives à ce cas ont également porté sur la manière dont Meta peut continuer à offrir aux utilisateurs la possibilité d’agir lorsque leur contenu est susceptible d’enfreindre la politique Conduite haineuse. La recommandation du Conseil suggère d’intégrer une fonctionnalité dans l’outil pour signaler de potentielles infractions des Standards Conduite haineuse et Intimidation et harcèlement, ainsi que les marchés gérant une crise active.
Décision du Conseil de surveillance
Le Conseil renverse la décision initiale de Meta de supprimer le contenu.
Le Conseil recommande à Meta de :
- Fournir aux utilisateurs une possibilité d’auto-correction comparable à l’intervention post-publication mise en place à la suite des manifestations pro-Navalny en Russie, recommandation n° 6. Si cette mesure n’est plus en vigueur, Meta devrait en proposer une autre similaire.
Le Conseil réitère également une recommandation issue d’une décision antérieure, dans laquelle Meta s’est pleinement engagée et qu’elle met actuellement en œuvre :
- Lorsqu’elle vérifie ses listes d’insultes, Meta doit veiller à engager un large dialogue externe avec les acteurs concernés.
Plus d’informations
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